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"Ségolène, Cabu, la vache et moi"

Le journal du dimanche - 2016

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À l’époque, elle attirait plus de spectateurs dans les salles que Michael Jackson. Dix-sept millions d’albums vendus plus tard, la star des enfants fête ses 35 ans de carrière avec une anthologie de ses succès.

Saviez-vous que Allô, allô, monsieur l'ordinateur était une des chansons favorites du critique de rock Bayon?
C'est vrai?

Elle reste en plus visionnaire sur les rapports de déshumanisation liés aux machines…
Une chanson, c'est avant tout une mélodie sur laquelle on pose un tralalalère. Il ne faut pas trop interpréter. Nous, on cherchait à s'amuser.

Quel effet cela vous fait de réécouter ces refrains?
Je retrouve l'ambiance des émissions. C'est assez émouvant. Quand je suis retombée sur La Mer câline, que l'on jouait pour les fêtes de Noël à la mairie de Paris, je dois dire que j'ai eu une petite nostalgie.

Vous étiez au top. Après Récré A2, Le Club Dorothée culminait parfois à 60% de parts de marché. Pourquoi tout cela s'est-il arrêté?
Il faut demander à la direction de TF1 de l'époque. Même si on se doutait que ça s'arrêterait un jour, on est toujours surpris quand ça arrive. La coupure a été brutale. C'est loin maintenant… Mais je me souviens qu'on avait tous la gorge serrée lors de la dernière émission. J'essayais de ne pas pleurer mais on a tous fini en larmes. Puis la vie continue. Elle n'en est pas moins belle. J'ai pu m'occuper de moi, voir mes amis, ma famille. Avant, j'étais dans un tourbillon. Les 35 heures, on les faisait dans la journée! Du matin au soir et même après, c'était du non-stop : enregistrement des émissions, puis on allait au studio et parfois il y avait encore un tournage derrière. Mais c'était bien.

Qu'est-ce qui explique ce succès?
On ne trichait pas et notre public devait le ressentir. Ça ne peut pas marcher sinon. Les enfants ne laissent rien passer.

Mais vous n'aviez pas que des fans. Ségolène Royal avait, paraît-il, saisi le CSA car elle jugeait les dessins animés que vous diffusiez trop violents. Vous vous souvenez de ça?
Bien sûr… Comment oublier? Elle demandait aux jeunes de ne pas ­regarder la télévision parce que c'était trop "PER-TUR-BANT".

Les enfants ont-ils changé depuis?
Quand j'ai commencé, en 1972, ils avaient déjà un certain style avec lequel ils évoluaient. Maintenant, je trouve qu'ils grandissent drôlement vite. Trop, peut-être. Ce ne sont plus les mêmes enfants.

Est-ce la faute de "monsieur l'ordinateur" : trop de fenêtres ouvertes en même temps? Vous étiez alors leur seule ouverture sur le monde.
On mêlait le sérieux aux tartes à la crème. On avait notre folie, mais on faisait attention à ouvrir, comme vous dites, les bonnes fenêtres. Il faut être très prudent.

Aviez-vous des retours des enfants?
Oui, par sacs entiers. On était une bonne affaire pour la Poste. Au Club Dorothée, tout un service était dédié pour le courrier.

Vos rengaines sont une manière de transmettre. Car vous n'avez pas d'enfants?
Non, je n'en ai pas. C'est vrai que ces chansons continuent de plaire. Je m'en aperçois dans la rue, au restaurant. Tous ces gens qui ont maintenant des enfants, voire des petits-enfants, n'ont pas oublié ce qu'ils ont vécu dans leur jeunesse… On ne peut rester indifférent à ces marques d'amitié et de fidélité.

Est-ce difficile de vivre avec le personnage de Dorothée?
Mais ce n'est pas un personnage! C'est moi.

Quelle était votre vie avant?
J'étais une petite fille qui jouait aux cow-boys et aux Indiens, qui grimpait aux arbres avec ses copines de Bourg-la-Reine. On n'avait pas la télé… Je rêvais de devenir égyptologue. Puis Jacqueline Joubert, qui m'a révélée à la télévision, a trouvé que mon prénom, Frédérique, faisait trop androgyne. On a fait la liste des prénoms et on est tombées d'accord sur Dorothée.

Qui vous appelle encore Frédérique?
Ma famille. Mais vous savez, ils m'ont toujours appelée par un autre prénom : Marguerite, ­Paulette…

Avez-vous gardé les tenues de l'époque Dorothée?
Non, je n'ai plus aucun vêtement. Tout a fini dans un dégât des eaux.

Mais vous étiez restée liée avec Cabu…
On se voyait, on dînait tous les trois avec sa femme. Il y avait deux Cabu, celui de Charlie Hebdo et celui du Grand Duduche. C'est ce dernier que j'aimais bien. Il était exceptionnel, d'une gentillesse extrême. Il m'emmenait écouter du jazz. Il avait toujours un calepin et un crayon avec lui. Il croquait les gens et là, on rigolait bien. Il m'avait fait le nez de Dorothée. Je ne sais pas comment ça lui était venu. D'autres ont essayé de me dessiner mais ce n'était pas aussi efficace. Cabu, lui, ce n'était pas méchant…

Y a-t-il des écoles Dorothée?
Non, mais il y a une piscine et beaucoup d'animaux. Des chats, des chiens. Une petite fille a même baptisé sa vache Dorothée. Elle me l'a écrit.

Une vache, c'est gentil comme animal…
Ouh, pas tant que ça. Il faut être prudent.

Comme Dorothée?
Oh, elle est gentille, Dorothée. Je la connais, elle ne mord pas. Il ne faut pas trop l'embêter, c'est tout.

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