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Dorothée : "Ma vie sans enfants"

Télé 7 Jours - 11 Janvier 1992

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On l'appelle encore et toujours la fée des enfants. Ils sont nombreux à regarder ses émissions sur TF1, à acheter ses disques et à applaudir ses spectacles, comme celui de Bercy, du 18 janvier au 2 février. Pourtant, quand elle rentre le soir, dans son appartement, aucune tête blonde ne l'attend.


Quarante-six kilos d'énergie et des chiffres d'affaires poids lourds. Une petite industrie à elle toute seule, Dorothée propose 26 heures d'émissions hebdomadaires, sur TF1, a sorti 13 albums en onze ans (12 millions de disques vendus), anime un journal mensuel pour 150 000 lecteurs et revient à Bercy, du 18 janvier au 2 février, avec un spectacle qui devrait battre le record (120 000 entrées) du précédent. Sans parler des compacts, des cassettes vidéo et de la soirée de Noël sur TF1, « Un cadeau » qui, avec 40% de part d'audience, a battu James Bond et ses « diamants éternels ».
Mais Dorothée n'aime pas les comptes. « Je ne possède aucune part de AB Production, qui produit mes émissions, mes disques et mes spectacles. Je connais seulement mon salaire à TF1.» Le montant, elle ne le dit pas. « Ça ne sert à rien d'autre qu'à provoquer des jalousies. Je suis très bien payée, mais ce n'est pas ça qui me pousse à travailler autant. Je n'ai pas été élevée comme ça. Chez mes parents, on ne parlait pas d'argent. On prônait plutôt l'effort, l'idée qu'il fallait chaque jour travailler à s'améliorer, ne jamais s'endormir sur ses lauriers. » Alors, en dépit d'une tendance naturelle à la paresse qu'elle n'a pas l'occasion de laisser s'exprimer bien souvent, elle bosse Dorothée: «Sans télé, je ne sais pas comment je vivrais. C'est devenu ma vie. Le matin, mon premier geste est pour la télé. Je regarde tout. Je suis capable de me laisser à ce point absorber par une série qu'il m'en arrive d'être en retard au studio ».
Il y a des télévisions partout dans son appartement, au cœur de Paris. Des petites et des grandes. Et parfois deux dans la même pièce, dont le ronronnement l'accompagne jusque tard dans la nuit. « Même quand je rentre à deux heures du matin, je ne peux pas m'empêcher d'allumer. » Une dévotion à la télévision qu'elle paie par une disponibilité de missionnaire. « Je ne sais plus faire quoi que ce soit sans avoir envie de le faire partager aux copains. »
C'est ainsi, souvent, qu'elle nomme ses jeunes spectateurs. «Que je voyage, que je parte en vacances, je les emmène avec moi. Ce que je regarde, je le vois avec leurs yeux. Mes curiosités, mes émotions, je les leur fais partager.»
Le Japon, le Maroc, la Guadeloupe, les États-Unis, la Chine ont ainsi défilé devant ses yeux en même temps que devant l'objectif de ses caméras.
«Je montre ce qui m'intéresse. Le public me répond en me disant, par son écoute et ses appels, s'il aime ou s'il n'aime pas. » Elle s'incline - c'est très rare mais cela arrive - quand le public ne la suit pas. «J'ai essayé deux fois une rubrique livres. C'est difficile ! » Elle essaie de nouveau. «De mes origines bretonnes, j'ai hérité d'une bonne dose de ténacité. Je peux me battre pour essayer d'imposer une émission à laquelle je crois et qui a du mal à s'imposer. Mais je ne suis pas têtue. Mes émissions, je les fais pour le public, c'est à lui de trancher. »
Ce qui ne l'empêche pas d'engager sa responsabilité. « On m'a beaucoup attaquée à cause des séries japonaises. Cela m'a affectée. Mon propos n'est sûrement pas de faire de l'audience en conviant les enfants à des spectacles violents. J'ai demandé à des spécialistes ce qu'ils en pensaient. Ils m'ont rassurée en m'expliquant que les enfants ne reçoivent pas la télévision comme ceux qui me mettaient en cause. Et que la violence des personnages de fiction que je leur proposais les défoulait plutôt qu'elle ne les traumatisait. Quant à privilégier la production japonaise... Je n'ai pas le choix. Même les fictions d'origine américaine, aujourd'hui, sont tournées au Japon. Ce n'est tout de même pas de ma faute si la production française est aussi faible ! »
Ce qui ne l'empêche pas, elle, d'avoir un petit faible pour les grands classiques dont a été bercée sa jeunesse. «Alice au pays des merveilles », qui a inspiré sa comédie musicale de Noël, la comtesse de Ségur, dont elle a tiré une série de cinq fois une demi-heure, «Les Misérables», que AB Production va réaliser en dessin animé.
"Les enfants aiment avant tout la diversité. Ce sont, comme les adultes, des individus avec des goûts et des envies très différents, mais qui eux savent regarder très intelligemment la télévision. Quand ils n'aiment pas, ils quittent l'écran ou écrivent.» Ou encore, ils viennent lui parler. « Si je pars autant en tournée, ce n'est pas par nécessité commerciale. Plutôt pour connaître le public en direct. Les enfants n'ont, vis à vis de moi, aucun complexe. Je suis chez eux tellement souvent. Pour moi, ce sont des copains. »
Il n'y a pas entre elle et eux « ces rapports de star à spectateur» qui empêchent le dialogue: « Ces copains ne me dérangent jamais. Ils m'abordent en toute simplicité. Partout avec eux, je me sens en famille. Je les observe. Ils m'étonnent avec leur maturité. A 5 ans, les enfants d'aujourd'hui ont les préoccupations qu'avaient, à mes débuts, les enfants de 12 ans. Tout les intéresse».
Depuis la rentrée, Dorothée a donc mis en place des rubriques autrefois occasionnelles: « Terre attention danger», le dimanche matin, avec le docteur Klein, sur les races d'animaux menacés de disparition et « Club Science», avec Michel Chevalet, le samedi. « Mon but n'est pas de me substituer aux professeurs qui font très bien leur travail mais plutôt de sensibiliser les enfants au monde futur dans lequel ils seront amenés à vivre. Tous ces sujets les passionnent. La vie des hommes aux différents points du globe aussi. Et nous allons de plus en plus les faire voyager par l'intermédiaire de la télévision. Ce sont les petites choses humaines qui permettent aux enfants de comprendre les grands problèmes. »
Dorothée avoue prêter beaucoup moins d'attention à l'actualité qu'aux petits faits et gestes des gens de son entourage. « Je ne vis pratiquement jamais seule. Ceux avec lesquels je travaille sont aussi ceux avec lesquels je sors le soir ou partage les vacances. J'invite parfois mes camarades de travail chez moi et je me promets de leur confectionner l'un de ces petits plats pour lesquels je collectionne les livres de cuisine. Hélas, il n'y a parfois qu'un œuf ou quelques pommes de terre dans le réfrigérateur quand je rentre. De toute façon, je suis tout à fait incapable de suivre une recette à la lettre! »
Incapable aussi d'infliger un ordre définitif à sa maison. «Je garde tout. Les dessins des enfants comme les rubans des paquets. Et je passe mon temps à ranger et déranger. » Dans la chambre, une centaine d'albums de BD attendent par terre d'être classés, dans un ordre différent, dans la bibliothèque. « J'ai horreur de tout ce qui est figé.» Dorothée est capable, à deux heures du matin, d'astiquer ses bibelots en argent. « Je ne planifie rien. Et encore moins ma vie privée. Comme tout le monde, j'aimerais avoir aussi un enfant. Jusqu'ici, l'occasion ne s'est pas présentée, mais rien n'est dit. »
A 38 ans, il serait pourtant peut-être temps d'y songer. «Je ne m'imagine pas en train de vieillir. Je vis les choses comme elles arrivent. »


Martine BOURRILLON
Photos Michel Marizy


JEAN-LUC AZOULAY, SON PRODUCTEUR, ÉCRIT LES PAROLES DE TOUTES SES CHANSONS. IL EST L'HOMME QUI LA CONNAIT LE MIEUX.

ELLE TRAVAILLE EN S'AMUSANT!

 

« On imagine que Dorothée un bourreau de travail, doublé d'une femme d'affaires, alors qu'elle travaille moins qu'on l'imagine et toujours en s'amusant. Elle n'est pas capable du moindre calcul de carrière ou d'argent. C'est d'abord une passionnée, pas du tout raisonnable.» Directeur d’AB Production et auteur des paroles de toutes ses chansons, dont «Les Neiges de l'Himalaya», en bonne place au Top (sous le pseudonyme de Jean-François Porry), Jean-Luc Azoulay a découvert Dorothée par hasard: « Une hépatite virale m'immobilisait au lit, devant la télé, et je l'ai vue. Ce qui m'a frappé en elle, c'est sa présence. On apprend, sauf cela. Elle l'avait, d'emblée.» Jean-Luc lui suggère de chanter. Elle ne voulait pas. «Il a fallu que nous la persuadions." Dorothée, enfant, a étudié la musique et en a gardé une bonne oreille. Il lui a été très facile de se mettre à la chanson. Elle a fait aussi de la danse, des claquettes, ce qui lui est très utile pour ses spectacles. Pourtant, au contraire d'autres artistes, elle ne travaille que lorsque les nécessités du spectacle le lui imposent. Elle a encore le trac chaque fois qu'elle doit monter sur scène, mais elle ne change rien à ses habitudes. Elle est comme les rock-stars. Elle aime l'ambiance "colonies de vacances des tournées, elle ne refuse pas une soirée qui se prolonge sous prétexte de spectacle. A la différence des rock-stars, elle s'occupe plus des autres que d'elle-même. Elle pense au bien être d'un technicien avant le sien, à la tenue d'un de ses partenaires avant la sienne. Ce qui lui vaut l'amitié et le respect de tous, mais ce qui est parfois un défaut pour une vedette qui devrait davantage veiller à son image. Elle, elle n'y songe pas. Elle vie à l'instinct. « J'aime, je n'aime pas » est sa seule philosophie. Mais elle a un jugement implacable. Il lui suffit d'un épisode d'une série pour vous prédire ou non son succès. Et pas seulement d'une série pour enfants. Elle a un œil extraordinaire. Dorothée est une de ces artistes que le public suit tout au long de leur évolution. Parce qu'ils ne trichent pas, ni sur leur âge ni sur ce qu'ils sont. Je vois bien Dorothée faire une carrière à la Annie Cordy ou même à la Maurice Chevalier. »

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Dorothée et Roxan, son yorkshire qui a 11 ans. «ll me suit partout, même à la télé.» Dorothée, en couverture de notre spécial horoscope, est née le 14 juillet 53. Elle est cancer.

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En tournée ou chez elle - ici dans la salle à manger -, Dorothée adore jouer aux cartes avec ses amis... en trichant un peu. Sa coiffeuse et sa maquilleuse le savent bien mais elles le lui pardonnent!

Dorothée profite de la balustrade de fer forgé surplombant sa salle de séjour pour se livrer à quelques exercices de danse. Derrière, alignée sur des étagères, sa collection de canards que lui ont offerts ses amis.

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Bocuse ne peut rien pour Dorothée. Malgré sa collection de livres de cuisine, elle n'a souvent qu'un œuf dans le réfrigérateur. «La bonne cuisinière de la famille, c'est ma mère.»

Quand Dorothée s'accorde une grasse matinée, on la retrouve sur son canapé, avec le kimono et la théière rapportés de son voyage en Chine.

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Dorothée invite souvent ses amis à boire un verre ou à improviser un dîner au comptoir de sa kitchenette..

Jean-Luc Azoulay et l'affiche de Dorothée à Bercy. Un spectacle avec 5 000 projecteurs, 12 lasers, 10 musiciens, 2 choristes, 8 danseurs, 4 cascadeurs, les Musclés, un groupe zaïrois et Jacques Rouveyrollispour les lumières.120 personnes à bord!

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Dorothée a installé chez elle ce portrait qu'a réalisé d'elle le peintre Jean-Louis Pan, d'après photo. «C'est le premier tableau que j'ai possédé. Il me l'a offert après une émission.»

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