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AB Production : le système Dorothée en question

Le Figaro – 3 août 1989

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Dorothée : « Nous formons une petite chaîne à l'intérieur de la grande ».

Productrice exécutive du « Club Dorothée », la société de Jean-Luc Azoulay et de Claude Berda s'attire bien des critiques. « Jalousie », répondent les intéressés, qui règnent sur les émissions jeunesse de TF1.


La seule chose qu'AB Production puisse se reprocher, c'est d'avoir eu du flair. Ou une chance incroyable. La preuve : la société de Jean-Luc Azoulay (pour le A) et de Claude Berda (pour le B) n'avait que deux ans d'existence et uniquement une branche de production de disques, quand elle a décidé, en 1979, de prendre dans son écurie Frédérique Hoshedé, alias Dorothée. Un petit bout de fille à la queue de cheval façon Aggie, speakerine à Antenne 2, animatrice de Récré A2 et actrice à ses heures perdues. Sa comptine, Dorothée au pays des chansons, fait un tabac auprès des gamins. La machine est lancée. Après les disques, AB crée une branche « production télévisée », et son poulain lui permet de coproduire certaines émissions pour la jeunesse sur Antenne 2.
C'est l'envolée. Aussi bien pour AB que pour l'ex-speakerine. TF1 se privatise et Dorothée saute sur l'occasion : elle quitte Antenne 2, devient conseillère pour la jeunesse auprès du PDG de la Une, puis responsable de l'unité de programmes jeunesse sous la direction générale de l'antenne ». Elle entraine dans l'aventure la société de Jean-Luc Azoulay, qui devient producteur exécutif. « Je suis partie d'A 2 parce que je manquais de moyens », expliquera plus tard Dorothée. « Sur TF 1, je pouvais au contraire mener une politique de création ambitieuse, et surtout je disposais de responsabilités plus grandes. »
AB Production connait alors ses moments de gloire. En juillet 1988, la maison s'installe à La Plaine-Saint-Denis, sur un espace de plus de 7 000 m². Deux mois plus tard, les studios (un de 1000 m², l'autre de 500) sont opérationnels, et Dorothée fait tourner la maison à plein régime. Dès lors, l'entreprise vit en circuit fermé, forte de son équipe de 150 permanents, de ses salles de doublage et de bruitage, de son studio son, de son atelier décoration de 4,000 mFD, de ses cinq régies de montage, de ses quarante loges...


La dictature de Dorothée
Au point que Jean-Luc Azoulay et Claude Berda se targuent aujourd'hui de posséder les plus grands studios français de production après la SFP. Cette année, la société a vendu entre sept et huit millions de disques, et son chiffre d'affaires dépasse les 250 millions de francs. « Nous ne sommes pas un trust, mais une famille », dit Jean-Luc Azoulay. Dorothée, elle, affirme carrément : "Nous formons une petite chaine à l'intérieur de la grande. »
Reste que les critiques se sont déchaînées devant cette "si belle réussite discographique et télévisée ». En vrac. On a mis en cause la dictature de Dorothée sur l'unité de jeunesse de TF1. « On m'imposait des dessins animés que je n'avais pas choisis. On m'imposait également toute l'équipe de Dorothée. Je devenais un simple exécutant », explique Claude Pierrard, producteur de Croque-vacances - l'ancienne émission pour la jeunesse sur TF1-, qui a donné sa démission peu après l'arrivée de la jeune femme. On a critiqué aussi son choix de programmes : « Elle n'achète que des dessins animés japonais ou américains, alors qu'il y a plein d'émissions dans les archives du Centre national du cinéma », a déploré publiquement Pascale Breugnot, responsable de l'unité de programmes documentation de TF1. On a reproché enfin à Dorothée d'être partie prenante d'AB et de cumuler ainsi situation malsaine
les fonctions de programmatrice, d'animatrice et de productrice.
Interrogées, AB production et Dorothée répondent d'une seule voix à ces critiques. « Si je pouvais acheter des productions françaises, je le ferais tout de suite, se défend l'animatrice. Mais il n'y a rien ! La France a vingt ans de retard dans ce domaine. Quant à Claude Pierrard, on lui a proposé de travailler avec nous. Or il a refusé. » Dorothée n'a qu'un but : « Mon public d'abord, et aller toujours de l'avant. » A tel point qu'elle se retranche derrière un « Je déteste les chiffres », quand on lui dit aujourd'hui qu'elle « vaut » 250 millions de francs par an.
"Notre société n'a jamais été celle de Dorothée, insiste Jean-Luc Azoulay. TF1 a acheté les compétences de la jeune femme, qui appartient à la chaîne, et les nôtres. La chaîne a voulu créer un concept global pour la jeunesse, et c'est nous qui le fabriquons. On nous donne un budget, on exécute. Dorothée, elle, est une de nos artistes. C'est tout. Elle n'a aucun intérêt chez nous. Elle est une simple animatrice, au même titre que Jacky et les autres. » Azoulay précise d'ailleurs qu'AB produit quelque mille heures par an pour Le Club Dorothée, facturées à 125 000 F l'heure, mais que sa société travaille également pour d'autres clients.
Sa stratégie est d'agrandir la société pour qu'elle recouvre toutes les branches d'activité qui touchent les 6-14 ans. Quitte à entraîner la mort des petits studios. « Tant pis pour eux, dit cyniquement Jean-Luc Azoulay. Nous, on va très vite, on est très ambitieux, on veut développer la production française. D'où les critiques jalouses qu'on s'est attirées. Jamais, aux États-Unis, ça ne se serait passé comme ça. D'ailleurs, les Américains, eux, s'intéressent à nous... »


Isabelle NATAF.

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