Les jumeaux du bout du monde - Un auteur pour la jeunesse heureux !
TF1 magazine – 1991
Un nouveau dessin animé français au Club Dorothée ! Les jumeaux du bout du monde, une grande saga romantique agrémentée d'aventure, de mystère et d'exotisme. Entretien avec l'auteur, Jean Chalopin, le "papa-plume" de L'inspecteur Gadget et de Sophie et Virginie.
Jean Chalopin, comment êtes-vous venu à l’écriture ?
Aussi loin que je m'en souvienne, j'ai toujours été atteint de "scribomanie". A neuf ans, j'écrivais des pièces de théâtre ! C'est peut-être de famille : mon père, même s'il n'a quasiment rien publié, a noirci quelque 250 cahiers... J'adorais les livres et quand j'étais gosse, les librairies étaient mes lieux de prédilection. A 13 ans, j'y ai rencontré Gilbert Cesbron qui m'a donné ce conseil : "Si vous voulez être écrivain, il vous faut faire d'abord un autre métier. Si vous avez vraiment ça au fond de vous, cela reviendra tout seul". Cette petite phrase, qui m'est toujours restée en mémoire, je l'ai mise en pratique. J'ai commencé par la publicité, en y entrant par la petite porte : je distribuais des prospectus dans les boîtes aux lettres tout en étant le grouillot sur des films publicitaires. En 68, j'avais 18 ans, et j'ai décidé de faire pour mon propre compte
ce que je faisais pour les autres : j'ai créé ma première entreprise. L'écriture est revenue tout de suite, avec les scénarios. Puis, j'ai plié bagages et je suis parti aux Etats-Unis où, pendant deux ans, j'ai suivi des cours d'écriture. En arrivant là, avec déjà dix ans d'expérience professionnelle, je croyais savoir travailler. Mais j'étais comme un joueur de tennis qui a appris seul à jouer j'avais de "mauvais tics" ! En publicité, j'avais appris à écrire avec des contraintes et pour des clients ; avec les Américains, j'ai gagné beaucoup en technique et en vitesse. J'ai pratiquement toujours été "un auteur à gages", travaillant sur commande, et à la différence de beaucoup d'auteurs en France, je ne m'en sens pas frustré. Cela m'a permis d'en faire un métier, ce qui est important.
Pourquoi avoir choisi d'écrire pour les enfants ?
Parce que de tous temps, j'ai aimé leur raconter des histoires et que je m'entends plutôt mieux avec eux qu'avec les adultes. Au départ, sans doute était-ce lié à une certaine timidité, à une peur vis-à-vis des adultes que je n'éprouvais pas avec eux. Par ailleurs, les drames d'adultes ne m'intéressent pas d'une manière générale, car je les trouve dépourvus d'imaginaire fort. Les drames d'enfants, c'est tout autre chose...
Quant à l'écriture, elle ne prend pas une forme particulière sous prétexte qu'on s'adresse aux enfants : ceux-ci aiment qu'on leur parle normalement, sans bêtifier (regardez les contes de fées, ils sont écrits pour tous publics !). Auteur de dessins animés, je suis simplement tenu à des dialogues relativement sobres, sans formules alambiquées, de l'ordre du langage parlé. Un gag : j'ai tellement vécu aux Etats-Unis que je suis obligé d'avoir une personne qui corrige mon français de mes constants anglicismes !
Dans Les jumeaux du bout du monde, l'histoire part d'une légende chinoise. L'avez-vous inventée ?
J'avais depuis longtemps au fond de moi l'envie de faire une grande saga romantique agrémentée de mystique et de magie. La légende en question existe bel et bien, bien que peu connue. Je l'ai trouvée dans Peking, un gros ouvrage rédigé par des moines vivant en Chine dont les travaux portaient sur la deuxième moitié du siècle dernier. Je l'ai adaptée et transposée à la période de l'impératrice douairière, remise récemment au goût du jour par Spielberg dans L'Empire du Soleil et Bertolucci dans Le dernier empereur. L'histoire commence en 1895 et s'achève en 1907, une période de douze ans correspondant à l'accomplissement d'un cycle lunaire dans le calendrier chinois. C'est une quête, un voyage initiatique qui entraîne les jumeaux dans tout un périple à travers l'Europe et le Moyen-Orient jusqu'en Chine dans un climat d'époque assez différent de celui d'aujourd'hui. Je me suis documenté très sérieusement sur le sujet, à l'aide, entre autres, d'une encyclopédie Larousse du XIXème siècle dénichée sur les quais. J'ai voulu rester proche de la vie, dans la tradition des grandes aventures romantiques à la Dickens.
Et vos deux petits héros ?
Ce ne sont pas des jumeaux unis par les liens du sang mais par une destinée. Ce sont des enfants comme les autres, en dehors de leur étrange pouvoir de télépathie. Jules est un garçon chinois, Julie, une fillette occidentale. Tout le monde m'en demande la raison et je n'ai rien à répondre si ce n'est qu'au moment de leur conception, ma femme, qui est chinoise, attendait un bébé et que je me demandais comment il allait être garçon ou fille, oriental ou occidental ? Avec Les jumeaux, instinctivement, j'ai résolu toutes mes questions !
Cette série est mon travail le plus important, je le dis avec honnêteté. J'ai le sentiment d'avoir fait là une œuvre véritable.
Propos recueillis par Françoise Rigal.