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Les enfants d'abord...
3 février 1988

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Sur TF 1 et Antenne 2, Dorothée et Chantal Goya vont s'affronter pour un combat pacifique. L'une chante, l'autre aussi. L'une se veut entre rêve et réalité, l'autre, l'amie des six-huit ans. Mais les deux ont une passion et un public en commun : les enfants. La devinette est facile et la solution tient en deux petits bouts de femme sans âge, la poupée ingénue Chantal Goya et l'adolescente délurée Dorothée. Les deux madones élues des divertissements enfantins qui chacune représente une solide organisation et une indiscutable réussite dans un genre réputé difficile.
Mais à partir de cet après-midi, elles seront face à face. La première entre en lice à la télévision pour présenter, sur Antenne 2, « Le Monde magique de Chantal Goya », tandis qu'à la même heure, la seconde continue d'ouvrir son club sur TF1. Alors est-ce la guerre des chaînes version mini ? Ou au moins un match entre les deux maîtresses des récréations du mercredi ?

 

A les entendre pas du tout. Chantal Goya affirme aussitôt « Dorothée est une amie que je connais bien. Elle est très fair-play. Elle admire mes spectacles et le travail que je fais avec Jean-Jacques Debout et je trouve que ce qu'elle réalise à la TV est très difficile. » Même son de cloche du côté de Dorothée qui sait faire la part des choses et redistribuer les rôles : « Il n'y a aucune compétition. Au contraire, nous sommes complémentaires. Chantal fait des spectacles avec décors, costumes et mise en scène. Moi, je divertis sans décors, sans orchestre en faisant participer les enfants. Elle est, disons, romantique et moi, rock and roll. »
Les jeux sont faits, ou presque. Le merveilleux, version grand spectacle, d'une part, et, de l'autre, le divertissement réaliste, gentillet et parfois vaguement éducatif. Sans perdre de vue que chacune est championne dans sa catégorie. Chantal Goya qui a débuté comme chanteuse en 1977 à l'Olympia après avoir été comédienne a senti naître sa vocation grâce à Bruno Coquatrix qui lui a dit : « Tu as inventé le music-hall pour enfant. »
Résultat : douze albums et quatre spectacles (« La Forêt magique », « Le soulier qui vole », « La Planète merveilleuse » et « Le Mystérieux Voyage de Marie-Rose ») en dix ans, des salles de cinq cent mille spectateurs, un budget de 25 millions de francs pour sa dernière mise en scène et une équipe de 140 personnes dont vingt-quatre danseurs et quatre équipes de douze enfants. « C'est très lourd, dit-elle, en mêlant, danse, décors et chansons, j'ai voulu présenter une sorte de film vivant. Je ne suis pas qu'une chanteuse. Mais un spectacle complet et j'ai la responsabilité de toute une équipe. »


Neuf heures d'antenne
Quant à Dorothée, elle n'a rien à lui envier. Arrivée un peu plus récemment sous le chapiteau des moins de vingt ans, elle fait de la télévision depuis 1973, chante depuis huit ans, a sorti huit albums, fait plusieurs tournées dans toute la France et un spectacle au Zénith. Depuis la rentrée, elle a même des responsabilités administratives puisqu'elle a été nommée à la tête de l'unité jeunesse de TF1 et de la direction artistique des émissions. Chaque semaine, elle n'a pas moins de neuf heures d'antenne à assumer entourée d'une équipe de cent personnes qui s'agite au milieu des sept cents mètres carrés de plateau des Studios de France à la Plaine Saint-Denis. Là, elle travaille avec la société AB Productions, prestataire de service qui fournit à TF1 des émissions sur mesure.
« J'ai appris à connaître les enfants par la télévision. C'est un public critique mais qui participe d'une façon constructive en écrivant (elle reçoit 5 000 lettres par jour), raconte Dorothée qui se défend d'avoir trouvé un << bon créneau commercial >> : « C'est un mot affreux. Ce qui compte c'est le goût des enfants... Je ne fais pas un travail, je m'amuse. Le jour où je ne m'amuserai plus j'arrêterai ! >>
Et si on essaie de parler chiffres, elle vous arrête d'un sourire candide : « Je ne m'occupe pas des affaires. Les chiffres ne m'intéressent pas. » Quant à son travail qui rime avec plaisir, il mêle rigueur et imprévu : << Nous avons des rubriques fixes mais on peut tout bousculer au dernier moment. Toutes mes émissions sont pour la famille mais je ne veux remplacer personne. Ni les parents ni les professeurs. Je suis simplement une amie qui joue avec les enfants sans tricher », souligne encore Dorothée qui se vante d'être très traditionaliste.
Un qualificatif rassurant que ne renierait pas Chantal Goya qui avoue timidement arriver « sur la pointe des pieds à la télévision » pour donner une demi-heure de rêve tous les mercredis. << A chaque fois, dit-elle, je raconterai un conte différent émaillé de chansons. Nous utiliserons les décors de mes comédies musicales puis, au fur et à mesure, nous innoverons.
L'émission est enregistrée deux ou trois semaines avant. Et toute l'histoire sera découpée comme un scénario de film avec une partie réelle et une autre, réalisée en incrustations électroniques. C'est la première fois que j'aurai de tels moyens techniques pour faire un spectacle. >>
Attendons cet après-midi pour juger sur pièces cette nouvelle Goya au pays des merveilles télévisuelles ou saluer les mimiques complices de la dernière Dorothée.
Entre frange brune, et robes à volants ; ou mèches blondes et jean décontracté, les enfants auront l'embarras du choix. Mais si la douce Chantal et la pétillante Dorothée refusent, dans un pudique accord, de parler chiffres et marketing ou d'envisager une reconversion imposée par la limite d'âge (elles en appellent toutes deux à leur délicieuse grand-mère). Ne nous y trompons pas, l'une et l'autre sont aussi deux femmes d'affaires avisées qui peuvent crier à l’unisson : << Les enfants d'abord. >>
C'est pour elles le plus sûr moyen d'éviter les naufrages.


Dominique BORDE.

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