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Les après-midis à la loupe
Le Figaro – 1er février 1985

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Il faut beaucoup de bonne volonté pour s'installer trois après-midis de suite devant son petit écran. Mais ne serait-ce pas le meilleur des somnifères ?


Regarder trois jours durant les après-midis télévisés relève tour à tour du masochisme et de la psychiatrie avec, de-ci, de-là, quelques plages pacifiques, voire agréables. Question-bilan de ces trois demi-journées passées devant le petit écran : la télévision (parlons plus exactement de TF 1 et d'A 2) s'adresse-t-elle essentiellement aux retardés mentaux, aux retraités proches du gâtisme, aux enfants atteints de dyslogie ?


Premier jour : lundi 28 janvier
Tandis que, sur TF 1, l'agent secret Sloane, trop bronzé pour être honnête, vole d'enquête en enquête et de bras féminins en bras féminins, en tentant vainement de ressembler à James Bond, Aujourd'hui la vie, sur A 2, poursuit son bonhomme de chemin, proposant sans discontinuer des reportages ou des débats publics réguliers et ouverts. Le thème du jour, les bénévoles, met en scène toute une série de mini-reportages intéressants sur les Portes ouvertes et autres Fondations comme celle de Claude : Pompidou. De quoi avoir quelques bons présages pour la suite de la journée ! Mais il faut toujours qu'un feuilleton américain s'en mêle à Sloane, de TF 1, vient répondre à 14 h 50, sur A 2, Magnum, une histoire d'agent musclé et de femmes perfides.
Encore !... L'essentiel des lundis de TF 1 se partage entre La Maison de TF 1 (souvent bien banale) et Les Choses du lundi de Jean Bertho et François Chesneau. Quelques extraits de la conversation dont Fernand Berthou, horloger mécanicien du roi (1727-1807), est le centre : « C'était quelqu'un de formidable, Fernand Berthou, répète Jean Bertho... Ah ! le beau mouvement d'horlogerie !... Il va venir sur l'image (mais il ne vient jamais) ... Une heure quinze sont ainsi consacrés aux « beaux mouvements » d'horlogerie de Fernand Berthou dont on ne voit guère les détails à l'antenne.
Pour le téléspectateur fatigué, vient ensuite le temps des rediffusions, toutes chaînes confondues. Quel est le prétexte invoqué par les chaînes ? Redonner leur chance aux émissions dont la programmation est tardive. Or il s'agit sur A 2 de Thé dansant qui passe le dimanche (la veille) à... 16 h 15, et d'Apostrophes qui passait le vendredi précédent à 21 h 35. TF 1 rediffusait, quant à elle, Sept sur sept proposé le dimanche précédent à... 19 heures. Faux Prétextes qui masquent mal la triste vérité : il faut à tout prix faire des économies.
A 2 propose ensuite sa plage enfantine dès 17 h 40 tandis que TF 1 donne La Chance aux chansons, de Pascal Sevran, avec hommages plus ou moins émouvants à la chanson française et de la musique de qualité. A l'heure enfantine (18 heures), celle de Nounours, il est temps de lever le pied.


Deuxième jour : mardi 29 janvier
Déjà l'habitude s'installe face à l'ineffable Sloane, agent spécial de TF 1, le non moins immarcescible Magnum d'A 2. Seul changement de programme notable en ce second jour de pénitence : la nouvelle émission de TF 1 « Modes d'emploi » qui, avec maladresse mais générosité, tente de parler de la crise de l'emploi et d'aider les chômeurs à lutter pour trouver un travail. Une émission utile, nécessaire, quoiqu’encore balbutiante. Autres balbutiements plus évidents encore sur A 2 pour Le Journal d'un siècle de Louis Bériot : décor trop sévère et chansons qui tentent d'égayer non sans mal une émission sévère et lente. Mais le moment le plus pénible demeure la rediffusion de L'Aventure spéléologique sur TF 1 à 16 h 30, avec un commentaire prétentieux et calamiteux sur les Papous dans « l'inextricable fouillis végétal » et autre « duel entre l'eau et la roche ». L'affliction est totale. Mieux vaut Nounours ou Georgette Lemaire, invitée de Pascal Sevran pour un hommage à qui ?... Vous avez gagné, à Piaf. Quelle imagination !


Troisième jour : mercredi 30 janvier
Il faudrait en ce jour céder la place à un enfant extrêmement jeune pour faire la critique de Vitamine sur TF 1 ou Récré A 2, sur A 2. Karen Cheryl, depuis qu'elle a joué les bonnes fées au cinéma, ne sait plus parler sans minauderies, qu'elle imagine nécessaires à la compréhension du premier âge. Mieux vaut encore Dorothée, Jackie et Cabu sur A 2. Startrek, excellente série américaine, est encore une rediffusion mais comment ne pas céder au charme de Spock, le héros aux oreilles en biseau nettement préférable aux Sloane et Magnum déjà cités (sur TF 1 à 16 h 40). Gavés de dessins animés de toutes les nationalités, nos petits amis peuvent aller dormir en paix, abrutis qu'ils seront de Latulu et Tireli, des Krostons, de Madame Pepperpot. Les Carnets de l'aventure parleront alors sur A 2 de... spéléologie (comme hier), à croire que les Français ne pensent qu'à ça !
Trois après-midi ainsi suivis à la loupe laissent une impression de vide et de dérision. On ouvre trop généreusement l'antenne à des émissions en studio où le débat (si bon marché) s'éternise. Mêmes arguments pour les rediffusions. Quelle épreuve !


Christine FERNIOT.

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