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L’enfance cathodique

Le Figaro – 16 janvier 1985

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Les enfants fixent le petit écran plus de deux heures par jour. Un chiffre éloquent face au cruel manque d'imagination de la majorité des émissions qui leur sont consacrées.

Avec ses 408 heures d'antenne, soit presque «10 % de ses programmes, TF 1 est en pleine révolution de palais au pays des enfants. « Le mercredi après-midi sera désormais présenté par Karen Cheryl, avec qui nous avions déjà collaboré pour les programmes de Noël », annonce fièrement Jacques Mousseau, le responsable de l'éducation. Parmi les grands projets de 1985, ce renouvellement de l'animation du plateau est complété par le maintien de deux' séries « Rickie ou la belle vie » et « Madame Pepperpote » dans l'émission « Vitamine » jusqu'au mois de juin ; la mise au point d'une comédie avec Guy Montagné en mars et la commande d'une série de treize épisodes sur la vie quotidienne des hommes de la Préhistoire. L'incohérence est parfois de mise sur TF 1 : certaines émissions comme « Salut les Mickey » de Christophe Izard, programmée le 24 décembre dernier et dont le taux d'écoute était bien supérieur à 20 % sont purement supprimées. Alors que le « Mini-Journal » de Patrice Drevet, l'un des échecs les plus retentissants de la chaîne, figure toujours au programme de TF 1...


Le phénomène de la présentatrice « mini star » n'échappe pas non plus à la seconde chaîne et Dorothée règne en prêtresse du plateau le mercredi. « Récré A 2 s'adresse aux 2 à 12 ans », explique-t-elle. Paradoxe saisissant : dès 9-10 ans, les enfants s'accordent à la trouver « bébé » et la jeune Céline (11 ans) confie même : « Quand je vois Dorothée, j'éteins la télé... » Cependant certains efforts pédagogiques ont été réalisés, comme les émissions de lecture. « Latulu et Lireli », de culture musicale dans « Sido, Rémi » et bien sûr « Terre des bêtes », qui fascine toujours le jeune public. L'un des regrets de Jacqueline Joubert, responsable de l'Unité jeunesse sur A 2 est de « ne pas avoir assez de moyens pour monter plus de séries intelligemment écrites ».


C'est aussi le cheval de bataille d'Hélène Fatou, responsable du service Jeunesse de FR 3 et auteur de nombreux livres pour enfants. Cette année, l'un de ses souhaits les plus chers voit le jour offrir chaque samedi un rendez-vous TV destiné aux enfants et à leurs parents. A partir du 26 janvier, deux heures de programmes seront placées sous le signe du maestro du dessin animé : Walt Disney. FR 3 n'innove pas véritablement mais mise avant tout sur les valeurs sûres. « Ce choix d'une grande soirée hebdomadaire a en même temps bloqué notre budget d'achat. Et nous programmons ainsi des « musts intemporels » « Le Manège enchanté » ou « Les Aventures de l'ours Colargol ». Non seulement notre taux d'écoute a doublé en un an, mais cela permet de donner une plus grande liberté d'action aux programmes des différents FR 3 régionaux. « De plus, ajoute-t-elle, deux émissions d'une heure le dimanche (pour les petits et les moins de 13 ans) apparaîtront à l'écran dès le 27 janvier. Pour cela, nous avons dû renforcer notre politique de coproduction. »


Tableau noir
La majorité des pédagogues déplorent avant tout la pauvreté des émissions pour enfants. Michel Gevrey, le secrétaire national chargé des problèmes d'éducation au S.N.I. (Syndicat national des instituteurs) en convient aisément : « Les phénomènes médiatiques influencent les enfants. Ceux-ci recueillent une masse d'informations considérables devant la télé. Notre rôle est essentiellement de les aider à ne pas observer dans une attitude passive, à effectuer des synthèses, des partages entre la fiction et la réalité. Ce bain d'images est difficile à cibler: certaines émissions, dites pour adultes, fascinent les enfants de 11-12 ans (comme la musique contemporaine présentée par Antoine Decaunes ») Tout en déplorant que les émissions pour enfants ne soient pas éducatives, il ajoute, tristement lucide : « Il est dangereux de se voiler les yeux devant un tel phénomène sociologique.
Au C.N.P. (Centre de documentation pédagogique), Danièle Lévy, une pédagogue qui a travaillé longtemps dans le domaine audiovisuel, estime que le langage de la télé pour enfants est « très pauvre, tout comme la notion d'imaginaire enfantin. » Partisane de l'expérience menée sur FR 3, elle explique : « Les clivages adultes-enfants sont trop manichéens. Il est fondamental de lancer une émission familiale. »
Ce qui en fait existe déjà avec « Des chiffres et des lettres » ou plus souvent, et c'est dommage, avec « Cocoricocoboy » ... La télé pour adultes serait-elle aussi à revoir ?


Nicolle VULSER.

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