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L’empire Dorothée

1988

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Elle cumule désormais les casquettes de chanteuse d'animatrice, de productrice et de chef de l'unité jeunesse de TF1. Un succès si rapide qu'il rend jalouses les autres chaines.


C'est vrai. Dorothée a un long nez - qui a changé la face de la télévision des dix dernières années. L'ancienne secrétaire-speakerine-actrice (éphémère est devenue la reine des émissions pour enfants. Guidée par Jacqueline Joubert (maman de Caunes) qu'elle s'est empressée de lâcher quand Francis Bouygues a fait briller sa planche à billets, elle a bâti un royaume à la mesure de ses ambitions. En dix ans, elle est passée du rôle de la gentille fille qui garde les gamins à celui de manager-requin.
De « Récré A2 » au « Club Dorothée » (deux heures par jour, le matin dès 7 h 40) le chemin ne fut pas long. et payant. Jugez-en : chanteuse (son spectacle au Zénith a fait le plein du 26 octobre au 18 décembre, animatrice, productrice (tous ses shows et émissions sont signées AB Productions) et chef de l'unité jeunesse de TF1.
« C'est plus facile. dit l'ingénue, on discute directement avec les dirigeants. Quand j'ai une idée, je vais voir Etienne Mougeotte, on en parle et voilà C'est ça l'esprit TF1 » Un esprit qu'elle aurait du mal à dénigrer. F.B. ne lui a-t-il pas offert un studio pour elle toute seule à la Plaine-Saint Denis ?
Pour faire tourner cette « industrie » (« non, supplie-t-elle, n'employez pas ce mot, je fais ce que j'aime. C'est vrai que ça fait du monde mais il n'y a pas la lourdeur des administrations chez nous ») pas moins de deux cents personnes, chargées de répondre aux huit mille lettres quotidiennes de pondre les sketches pitoyables que Dorothée conseille aux parents et les chansons indigentes qui chantent l'amour mielleux et la joie dégoulinante.
Pour seconder la fausse femme-enfant, Jean-Claude Azoulay et Claude Berda. Grâce à leur talent, le chiffre d'affaires d'AB Productions double tous les ans depuis 1984.
La machine Dorothée tourne à plein régime. A grands coups de feuilletons américains, japonais (ses fans pourront la découvrir en détective dans « Giraya », en savant dans « Liveman » et en professeur de cuisine dans « Mask Rider Man », dès le printemps), elle remplit l'espace de la télévision pour enfants. Ses acolytes. Jacky, Patrick Simpson-Jones. Ariane et les autres, figurant d'efficaces faire-valoir. Car tout tourne autour de la star. Est-elle en concert au Zenith ? Elle se débrouille pour réaliser un triplex entre Jean-Loup Chrétien dans l'espace, les studios de TF1 et la scène. « Une folie qui s'est décidée très vite, dit-elle. J'ai vu le ministre des PTT, il a dit oui, voilà. »
Toutes les folies sont permises sur TF1, pourvu que grimpe le taux d'audience. Objectif que désavoue bien sûr Dorothée. « Ce que j'aime quand je fais un disque ou mes émissions, c'est toucher tout le monde. Je veux qu'on vienne en famille au Zenith, que les mamans regardent « Pas de pitié pour les croissants » » Noble argument qui sent malgré tout le volontarisme.
Face à ses vingt-deux heures d'antenne, la Cinq, M6 et FR3 se contentent de miser sur des dessins animés ou des clips. Christophe Izard, monsieur jeunesse d'A2, est allée pêcher son antidote Dorothée sur FR3. Elle est charmante, blonde et elle a 11 ans.
Bebe-pub à 2 ans et demi. Cerise est apparue dans La Smala, Souris noire de Maurice Dugowson et dans nombre de pubs. Qu'a-t-elle de particulier ? Un peps fou, une présence et un naturel face à la caméra qui laissent songeur. Mais surtout, elle a un bon agent. Anne-Mane Larriega qui, par hasard, se trouve être la productrice de « Chauds les Glaçons », l'émission de sa protégée.
Qu'adviendra-t-il de Cerise ? On parle de remaniement dès janvier. Certains ayant fait remarquer que la part de ses interventions plateaux tendaient à se réduire à chaque émission. « Ce n'est pas le meilleur moyen de lutter contre Dorothée. Il faudrait aussi nous faire de la promo. Pas une seule annonce dans la semaine Quand Dorothée en a dix... » Sa fraicheur et un don, réel, la conduiront sans doute là où il n'y aura pas une femme déguisée en entant. « Pas une grande sœur ou une maman ». Avec sa drôle de façon de se pencher sur les têtes des spectateurs. « Pour mieux vous embrasser mon enfant ».


SOPHIE RUSTAIN

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