Le lifting de Dorothée
Le nouvel observateur – 19 août 1988
La scène se déroule quelque part en Plaine Saint-Denis, loin du monde déchaîné des télés. Speedy Dorothée s'est déguisée en conductrice des travaux, un casque jaune sur la tête. Sommes-nous en train d'assister au tournage d'un épisode de la fameuse série « Pas de pitié pour les croissants » ? Eh bien, non ! C'est une visite guidée des nouveaux studios du Club Dorothée. Une usine à rêves que les télé-mômes vont découvrir à la rentrée. La société AB- qui a produit les dix millions de disques de la petite fiancée des kids et vend ses vingt-deux heures d'émission clef en main à Bouygues (tarif : 120 000 francs les soixante minutes) - a mis le paquet. Surface du Club : 6 000 mètres carrés. Deux plateaux, un atelier de décors, une cantine, des loges, des bureaux. En prime, un stock d'ordinateurs à la disposition des quatre-vingt-dix salariés de la fabrique à images. Nunuche, Dorothée ? C'est vrai, elle en a tout l'air. Mais elle a pourtant une carrure de pro. Debout à l'aube, couchée à minuit, elle se défonce. Elle n'aime que Dorothée, les gosses et Dorothée. Son truc ? Chercher des idées, toujours des idées. Cet été, elle a écumé les studios de Hollywood et ceux de la TOCI à Tokyo. Elle y a négocié des coproductions, acheté de nouvelles séries, commandé des dessins animés inédits. La sorcière bien-aimée de la France tartine et chocolat a la tête sur les épaules : ses yeux de velours ne quittent pas la ligne sombre de l'Audimat. Les gamins sont impitoyables. Pour eux, il faut que ça bouge. Pas culturel, le matraquage Dorothée ? « Entre l'équation éducation-destruction de la télévision enfantine aux USA et les disniaiseries de nos concurrents, nous choisissons la distraction », répond l'un de ses proches. Des jeux et du cirque. Nos mioches vivent vraiment une époque formidable !
Sylvie Véran