Les Musclés sont copains de Bioman et filleuls de Dorothée
Télé Poche – 6 mai 1989

Cinq garçons dans le vent... des galères musicales. Et puis, un jour, la rencontre de la bonne fée Dorothée. Les cinq anonymes deviennent Les Musclés. Et se mettent à faire « La fête au village ». Tous les Français de 7 à 77 ans fredonnent leur tube. Voici leur sympathique histoire.
D'une pichenette, pardon ! D'une chansonnette, une bande de hors-la-loi a relégué dans les coulisses du Top 50 nos vedettes hexagonales habituées aux honneurs des premières places. Le nom des coupables ? Les Muscles. Ces francs-tireurs se sont mis en tête l’idée de remettre au goût du jour la chanson un tantinet « franchouillarde ». Leur histoire commence pourtant d'une façon classique. Tous ont suivi le chemin obligatoire des cours de solfège avant de s'exercer dans les bals, pour certains dans les discothèques, pour les autres.
« Quand on démarre de la province, c'est la seule façon. C'est en plus une bonne formation lorsque l'on fait ses premiers pas. » Tous pour la musique mais chacun chez soi. La galère d’Éric passe par l'Aveyron, celle de René mouille dans le pont de Brest et Bernard rame dans le Pas-de-Calais.
Nos joyeux lurons sont cependant emportés par un courant artistique qui les entraine tout naturellement vers Paris. La capitale garde toujours son charme tyrannique : c'est ici qu'il faut réussir à percer. Bernard précise : « Moi j'ai eu la chance d'avoir des parents qui montaient à Paris. Ensuite, tout s'est enchainé assez rapidement. Vous rencontrez des
gens qui à leur tour vous mettent en contact avec des personnes qui, elles-mêmes, vous proposent un job et ainsi de suite ».
Ses quatre futurs compères suivent à peu près la même trajectoire. Seul Éric a fait l'original à dix-huit ans, Il passe sans transition du soleil de Millau à la grisaille parisienne. Mais après quelques tentatives à droite et à gauche, c'est sur les bords de la Garonne, à Toulouse, que se poursuit son périple de futur musicien. Pas de répit. Des amis l'encouragent à oser le détour par Toulouse et « la ville rose » tant aimée de Nougaro lui met le pied à l'étrier... avant qu'il ne revienne au galop vers la capitale.
Apres ces quelques années d'errance, tout ce joli monde va peu à peu commencer à travailler avec des chanteurs confirmes, pour en arriver à titiller les musiciens attitres des vedettes. Mais tout n'est pas aussi facile que dans un conte de fées. « Il faut également beaucoup travailler, attendre le bon moment, saisir « l'occasion » et surtout savoir plaire. La gentillesse, le sourire et la bonne humeur, cela fait aussi partie des règles du jeu. »
Un code de conduite qui va les rapprocher. Même s'ils ne travaillent pas ensemble, ils se croisent déjà sur les scènes et se retrouvent en dehors du travail. Premières rencontres et début d'une amitié. Comme ils se plaisent à le répéter, le milieu du spectacle est relativement petit : « Après quelques années, tu finis par connaitre tout le monde et tout le monde finit par te connaitre ». Certes, mais il faut aussi du talent. Car si les postulants se bousculent, les heureux élus s'ébattent dans un mouchoir de poche. Les Muscles savent jouer des coudes et se font bientôt remarquer par les plus grands du showbiz français. Bernard Minet devient musicien et choriste de Nicole Croisille et de Charles Aznavour. Quant aux autres, ils accompagnent, tour à tour, Jacques Higelin. Richard Clayderman, Sheila, Michel Sardou et même celui que l'on surnomme le « King », c'est à dire Monsieur Johnny Hallyday. Et oui, nos Muscles ne fréquentent pas n'importe qui !
L'apprentissage est long mais payant. Chacun prouve que son répertoire ne se cantonne pas à un seul style. De la variété populaire au rock, le puzzle du bon musicien se constitue. Un éclectisme qui leur permet de se faire un nom dans la profession. Et de s'aguerrir sur le plan musical. « C'est une très bonne école, précise Rémy. Si musicalement tu n'es qu'accompagnateur, en revanche, tu découvres la scène et ses exigences. Tu apprends également à connaitre l'organisation d'un spectacle. » Une leçon en tout cas bien apprise et surtout bien retenue.
Mais le tournant de leur carrière, ils le doivent à Dorothée, l'idole des tout-petits et la marraine du groupe. La sautillante animatrice commence par confier à Bernard Minet l'interprétation des génériques de son émission. Puis, à la queue leu leu, Claude, Rene, Éric et enfin Rémy viennent constituer le groupe. Le processus est engagé. De copains, ils sont devenus inséparables. Dans la vie comme dans les studios, le courant passe. Au point de faire jaillir l'étincelle du succès, « L'idée de « La fête au village » est née spontanément, entre deux séances d'enregistrement. L'un d'entre nous a commencé à fredonner le refrain que les autres ont repris en chœur. »
Les enfants ont sorti les cotillons. D'un seul coup. Zorro est démasqué et Goldorak démagnétise. « Bioman », le sauveur de l'humanité, est passé par là et les « Muscles » ont pris la relève. Résultat une célébrité rapidement acquise et un spectacle avec Dorothée. Le triomphe devant 5 000 enfants en moyenne par représentation. « Notre seule ambition est de plaire aux plus jeunes. Et à ceux qui nous reprochent de ne pas faire dans « l'intello », qu'ils se rappellent l'époque où ils étaient gosses. Et qu'ils se souviennent des goûts qui étaient les leurs. »
La chanson fétiche des bambins leur a permis de s'imposer au nez et à la barbe des gros bras de la chanson française. Confortablement, semble-t-il. Fi des anciens et des modes. Les Goldman. Sardou et autres Lavilliers doivent marquer le pas. Un vrai hold-up dans le petit monde feutre du showbiz !
Bruno DUNY