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Dorothée : « Je suis la grande sœur de six millions d’enfants »

Télé Loisirs – 7 août 1989

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Passionnée par son travail. Les vacances ? Elle ne sait pas ce que c'est, car pour Dorothée la passion pour le travail prime sur tout. « Mais tout cet été, je suis en vacances ! Jusqu'au 27 août, nous restons avec l'équipe sur la Côte d'Azur. Nous faisons nos émissions depuis la grande maison que nous habitons dans l'arrière-pays niçois. C’est divin ! »

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Le compagnon de sa vie, Il s'appelle Roxan, c'est un petit yorkshire de huit ans. Il la suit partout, et il est même la mascotte de ses émissions.

Fée pour les enfants, femme d'affaires pour sa chaîne, Dorothée est devenue un label de qualité en produisant mille deux cents heures de spectacle.


Un mètre soixante-deux pour quarante-quatre kilos, trente-six ans, une énergie farouche au service des enfants, vingt-deux heures d'antenne par semaine... et un nez spirituel qui a changé la face de la télévision depuis dix ans : c'est Dorothée, et son club très spécial (généralement de 7 h 40 à 8 h 20, puis de 16 h 20 à 18 h 15, sans compter les mercredis non-stop et les dimanches matin.)
Ce qu'il conviendrait mieux d'appeler « le miracle Dorothée ». Car la coqueluche de nos chères têtes blondes de trois à douze ans est aujourd'hui devenue l'amazone numéro un de Francis Bouygues, dont elle a rejoint l'écurie en 1987 après avoir filé le parfait amour avec A2. Francis Bouygues grâce auquel elle bouscule tous les records d’audience : six millions de jeunes téléspectateurs par jour, de quoi donner des palpitations aux autres chaînes ! Phénomène de société ou monopole ? Les deux sans doute car, outre sa double casquette d'animatrice et de chanteuse, Dorothée est aussi conseillère pour la jeunesse auprès de la direction de TF1.


Spectacles magiques pour les parents aussi
Dorothée, c'est un empire flirtant avec deux cent cinquante millions de francs de chiffre d'affaires annuel, et employant, par l'intermédiaire d'AB Productions chargée d'assurer la partie technique des émissions, près de cent personnes à plein temps ! Forte de ses douze millions de disques vendus depuis dix ans (son album, « La Machine avalée », sorti en juin, est déjà disque de platine !), Dorothée offre régulièrement à ses fans des spectacles magiques qui enchantent même les parents ! C'est ainsi que trois cent cinquante mille groupies l'applaudirent lors de son dernier show l'année passée (« Dorothée au Zénith ») et lors de la tournée triomphale qui a suivi (en France, Suisse, Belgique... au total cinquante villes). "Bref, la France en barboteuse et en soc- quettes se porte bien. Dorothée en est l'égérie, elle veille au grain, répondant à cinq mille lettres d'admirateurs par jour ! Du moins par l'intermédiaire de son service courrier qui occupe à lui seul tout un étage de son QG (six mille mètres carrés de bureaux et de studios à La Plaine-Saint-Denis). Fatiguée, elle ? Jamais ! « Je suis née un 14 juillet, sous le signe de la fête ! », répond-elle en guise de boutade. L'irrésistible ascension de Frédérique Hoshédé (son vrai nom) au pays des merveilles télévisuelles ressemble à un conte de fées des temps modernes avec bonnes fées, sorcières et happy end ! Il était une fois une petite fille sage et rêveuse qui vivait en banlieue parisienne, non loin du parc de Sceaux, dans une jolie maison 1930.


La bonne fée apparait en 1973
A l'école Notre-Dame, une institution religieuse, Frédérique est bonne élève mais rechigne au port de l'uniforme qui l'a « dégoutée à tout jamais du bleu marine ». Papa est plutôt sévère (« Je n'ai pas eu la permission de sortir le soir avant mes dix-huit ans ») mais maman bonheur pardonne tout. Piano, danse, chant (elle fait partie de la chorale de l'école), Frédérique grandit au milieu des rires de cette famille bourgeoise et aimante. « A la maison, on ne m'appelait jamais par mon vrai prénom. Pour papa, j'étais Marguerite ou Paulette, et pour maman, Prospérine. Moi, j'ai opté pour Dorothée parce que je trouvais ça drôle et malicieux. La bonne fée qui va changer le cours du destin de notre héroïne apparaît en 1973, et s'appelle Jacqueline Joubert. A l'époque, l'ancienne speakerine est chargée de créer le service jeunesse de l'ORTF. Cette année-là aussi, elle fait partie du jury d'un concours de théâtre amateur organisé par Marcelle Tassencourt, la directrice du théâtre Montpensier de Versailles. Impressionnée par la spontanéité et le rayonnement de la jeune fille, qui vient d'obtenir le prix d'interprétation pour son rôle dans « Un caprice » de Musset, Jacqueline Joubert lui propose d'animer les premiers Mercredi de la jeunesse. Quatre heures d'émissions hebdomadaires : « Un sacré coup de chance, explique Dorothée. J'ai conscience que ça ne pourrait plus exister aujourd'hui. Entre ma licence d'anglais, puis la classique voie du professorat, et le mirage de la télévision, mon cœur n'a pas balancé longtemps ! » Patatras ! deux ans après ses débuts modestes, c'est l'éclatement de l'ORTF. Christophe Izard, qui prend la direction des émissions pour la jeunesse sur TF1, consent à emmener Dorothée dans ses valises pour animer « Les Visiteurs du mercredi » ... et la remercie en ces termes dès la fin de la saison : « Vous n'êtes pas faite pour animer des émissions pour enfants. Changez de métier. »


Speakerine sur A2, puis animatrice
Oh ! le vilain sorcier ! « Je suis allée voir les gens qui m'avaient promis de m'aider. Résultat : néant. Vaches maigres. Dorothée devient tour à tour animatrice de supermarchés, distributrice de prospectus, secrétaire dans une robinetterie !... Ils ont mis longtemps à s'en remettre », commente-t-elle sobrement. Heureusement la roue de la fortune tourne en 1977, année où elle est recrutée comme speakerine sur Antenne 2 avant de devenir animatrice de « Récré A2 », en 1978, « Ouf », se dit notre blonde héroïne qui ne sait pas encore qu'elle est en route pour la gloire... Tout de suite, les enfants craquent pour cette frimousse au nez pointu et au regard de furet qu'on dirait sortie des images de « Ma sorcière bien-aimée ». Pas le genre bêtifiant, style « Bonne nuit les petits » de nos vertes années. Non, une vraie petite bonne femme en chair et en os qui a du « pep », la pêche... et qui s'éclate, comme disent les branchés. Au même moment, devant son petit écran, un téléspectateur « s'offre lui aussi le déclic Dorothée ». C'est Jean-Luc Azoulay, le manager de Sylvie Vartan, qui est depuis peu le propriétaire d'une maison de disques : AB Productions. En homme d'affaires avisé et en vrai découvreur de talents, il sent que la petite blonde à la queue de cheval a l'étoffe d'une star. De la chanson, du moins. Car en cette mélancolique fin des « seventies », la seule poupée qui occupe le créneau des moufflets, c'est Chantal Goya. Il y a forcément de la place pour une deuxième ! Coups de fil, rencontres, palabres et, après un an de tergiversations, un premier disque : « Dorothée au pays des chansons » (tube), suivi de « Rox et Rouky » (retube), puis de « Hou ! la menteuse » (supertube). Le tiroir-caisse fait gling-gling, Dorothée devient l'animatrice préférée des enfants, maman Joubert jubile (après tout, c'est elle qui l'a portée sur les fonts baptismaux), tandis que la critique, unanime, salue - Récré A2 ». Entre-temps, Dorothée tourne deux films : L'Amour en fuite », sous la direction de François Truffaut, et « Pile ou Face », sous celle de Robert Enrico. Pendant dix ans, la cote de Dorothée ne va pas cesser de grimper. Elle est devenue un label de qualité à elle toute seule. Jeux, livres, gadgets suivent... Ce n'est pas une animatrice qu'A2 emploie, c'est une vraie fée qui transforme une citrouille en carrosse. Au point que, le 24 décembre 1983, A2 lui confie une superproduction télévisée, « Dorothée : le show », qui représentera A2 au Festival international de télévision de Montreux en 1984.

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Karen Cheryl, Dorothée et Chantal Goya, les fées des enfants.

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Ses complices de toujours. Très proche de sa maman Jacqueline, à qui elle confie tous ses petits secrets, Dorothée adore aussi sa grand-mère Eugénie de qui elle a dû hériter de son côté foldingue. Elle est géniale, toujours le sourire aux lèvres et de bonne humeur ! »

Tous les matins, 51,4 % d'audience
L'aventure Dorothée se confond désormais avec la consécration d'une chaîne de télévision, qui bat chaque matin tous les records d’audience : 51,4 % de parts de marché ! Vous connaissez la suite. En 1987, c'est la privatisation de TF1, et Francis Bouygues fait à Dorothée « une proposition qui ne se refuse pas ». Première au hit-parade et dans les sondages, elle part, avec armes et bagages, sur la Une. Les enfants trépignent (et la suivent), Jacqueline Joubert s'indigne (« Elle a vendu son âme aux gangsters ! »), Dorothée est sereine : « J'ai longtemps travaillé sans vrais moyens. TF1 m'a offert une politique de création ambitieuse, et je dispose de responsabilités plus grandes. »

Ses complices sont ses amis.

C'est que monsieur Bouygues a mis le paquet ! Un salaire de quarante mille francs mensuels certes, mais carte blanche surtout. Autant dire une aubaine pour AB Productions, qui, en s'engageant à assurer la logistique - soit mille deux cents heures clés en main, pour cent vingt mille francs l'heure environ -, voit doubler chaque année son chiffre d’affaires !
« Moi, j'assure l'artistique », commente Dorothée modestement. C'est-à-dire le direct ou sa fameuse émission « Pas de pitié pour les croissants ». Avec ses complices Corbier le Poète, Jacky le Râleur, Ariane la Dynamique et Jack Simpson Jones le Sportif, et ex-speakerin, qui lui servent de faire-valoir, elle est la figure de proue d'un univers qui associe chansons, jeux, séquences d'humour et images télévisées.
« On raconte à l'antenne tout ce qui se passe dans notre vie de fous les jours. Ainsi a-t-on tenu les enfants au courant de l'appendicite d'Ariane l'année dernière. Elle nous appelait de l'hôpital. Aujourd'hui, elle est enceinte, ils le savent. Pour eux, nous existons vraiment ! »


Première série franco-japonaise
Ainsi parle la fée. Ce qui n'empêche pas Dorothée bis, la femme d'affaires, de sillonner le monde afin de choisir et d'acheter les trois mille heures des meilleurs dessins animés qu'elle engrange chaque année dans son Caddy. La production, c'est sa force. Au point que feu la CNCL a fini par s'inquiéter de cette production à 90% étrangère « Qu'on me fournisse des dessins animés français et je les passe tout de suite, se défend-elle. La France et l'Europe ont vingt ans de retard dans ce domaine. On a sous- estimé le public jeune, un public- à part entière et non pas un os à ronger ! Autant dire qu'on a arrêté toute création... Je suis d'ailleurs en pourparlers avec le Japon afin de coproduire une première série d'animation franco-japonaise. Pourquoi le Japon ? Parce que je trouve la mentalité de ses habitants assez proche de la nôtre. Là-bas, aucun dessin animé ne se fait sans une équipe de psychologues chargés de le superviser. Toute violence à l'écran est sérieusement analysée, dosée. Une récente étude réalisée chez nos amis nippons montre qu'il y a moins de délinquance à Tokyo qu'à New York. Elle montre aussi qu'aux Etats-Unis, où les ligues de parents sont très puissantes et où les dessins animés sont aseptisés, les enfants ne sont pas préparés à affronter la vie réelle. C'est-à-dire la violence au quotidien, dont les rapports de compétition sont un épiphénomène. D'où, la délinquance. » CQFD.
A quoi rêve Dorothée quand elle ne travaille pas ? A des vacances, bien sûr ! Qu'elle passe cet été à Nice et dans l'arrière-pays niçois... pour animer en direct le « Club Dorothée vacances ». (Trois rendez-vous quotidiens, sept jours sur sept.) Puis, elle rentrera à Paris pour préparer son prochain spectacle qui aura lieu à Bercy du 6 au 21 janvier 1990. Dorothée n'a peut-être pas de pitié pour les croissants, mais les enfants n'ont pas de pitié pour Dorothée !


Caroline Babert

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Sa célébrité l'a fait entrer au musée Grévin !

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Jacky, Dorothée et son nez : lequel est le plus célèbre ?

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