Dorothée : "Je rêve d'adopter un enfant, mais mon métier m'en empêche"
Paris Match - Janvier 1994
Dorothée propose 26 heures d’émissions hebdomadaires sur TF1, a sorti 14 albums en 12 ans (14 millions de disques vendus), anime un journal mensuel pour 150 000 lecteurs et revient à Bercy du 15 au 26 janvier, elle nous ouvre les portes de son hôtel particulier de Gentilly, en compagnie de ses filleules.
- Vous n’avez pas d’enfant, pas de neveux, seulement des filleules. Avez-vous tout de même l’impression de connaître les enfants ?
- On peut les connaître sans être mère soi-même. J’ai toujours dit que j’aimerais en avoir deux. Lorsque je vois les images de bébés orphelins en Roumanie ou dans d’autres pays, je suis très tentée d’en adopter. Et puis, la raison l’emporte. Ces enfants sont déjà traumatisés par la perte de leur mère. Plus que d’autres, ils ont besoin d’une présence constante que je ne peux leur offrir. Entre mes tournées et mes heures de studio, il ne serait pas raisonnable de prendre une telle responsabilité.
- D’où vient votre passion pour les enfants ?
- Je l’ignore. Je m’entends bien avec eux. J’ai leur âge…
- Vous trouvez-vous enfantine ?
- J’ai 4 ans ! Je suis aussi naïve qu’eux. J’ai leur enthousiasme. Je ne vois pas la méchanceté chez les autres.
- Leur franchise aussi ?
- Lorsqu’on fait un spectacle, on ne triche pas. J’apprécie le sens critique des enfants. Lorsqu’ils aiment quelque chose, ils le disent. Quand ils n’aiment pas, ils le disent également. Et puis, ils aiment rire et s’amuser. Moi aussi.
- Pourquoi éprouvent-ils autant d’amour et de tendresse pour vous ?
- Parce que je m’amuse avec eux et qu’ils savent que je suis sincère. Pas question de tricher, ils sont trop fins.
- Avez-vous conscience de votre rôle vis-à-vis des enfants ? Quel est-il ?
J- e n’en ai pas, justement. Je suis à leur service. Je ne fais pas une émission pour moi, mais pour eux. Je surveille ma façon de m’exprimer, je ne dis jamais rien de négatif. Et puis, des psychologues contrôlent les dessins animés et les séries que nous achetons. Parfois, ils les censurent. Nous sommes extrêmement vigilants. Je suis très consciente de l’importance de la télévision et de son impact sur les enfants.
- Depuis 10 ans, avez-vous l’impression qu’ils ont changé ?
- Aujourd’hui, j’ai la même conversation avec un enfant de 6 ans que celle que j’avais avec un enfant de 11 ans il y a 10 ans. Grâce à la télévision, aux jeux, ils ont gagné 5 ans. Ils apprennent très vite, et de plus en plus jeunes. Je suis surprise par leur connaissance du monde de la politique. A 10 ans, ils n’ignorent rien de la composition du gouvernement, alors que j’ai de graves lacunes dans ce domaine. Ils sont au courant de ce qui se passe dans le monde, en ex-Yougoslavie par exemple. Ils me disent souvent : « Nous ne pouvons pas vivre normalement, comme si de rien n’était, et laisser les autres dans la peine. Il faut les aider. » Ce sont eux qui font bouger leurs parents. Ils savent aussi que leur avenir est entre leurs mains, qu’il leur appartient de le créer.
- « Les vedettes, qu’elles soient comédiennes ou chanteuses, sont enfermées dans leur succès, a expliqué récemment Christine Castelain-Meunier, sociologue et chercheur au C.N.R.S. Elles sont contraintes à tout centrer sur elles pour réussir. Elles développent de ce fait un énorme narcissisme. Elles sont obligées de changer constamment leur image, de la faire évoluer, ce qui leur demande une énergie énorme et explique leur grande fragilité. Elles ont aussi besoin d’un soutien, d’un homme qui leur donne de l’affection, de la tendresse. »Qu’en pensez-vous ?
- Cette femme doit avoir un problème. C’est une vision complètement négative de notre métier. Les artistes ne sont pas des êtres narcissiques. Ils ne sont pas plus sensibles que les autres. Quant à l’amour, l’amitié, la tendresse, toutes les femmes en ont besoin ! Il faut en recevoir et en donner. La vie ne serait pas très drôle sans cela.
- Pourquoi ne vous êtes-vous jamais mariée ? Le travail ne vous mettrait-il pas moins en danger que l’amour ?
- C’est mon jardin secret.
- Avec vous, on a l’impression que « tout le monde il est beau, il est gentil ». Et si ce n’était qu’une façade pour ne pas décevoir ceux qui vous ont mise en haut de l’affiche ?
- Il y a des méchants, des odieux, mais, ceux-là, je refuse de les voir. Autant être positif, s’attacher au bon côté des êtres.
- Vous faites de la télévision depuis 20 ans. N’êtes-vous pas un peu lassée ?
- Pas encore. Le jour où j’en aurai marre, je m’arrêterai. Quand ? Je n’en sais rien. Pour faire quoi ? Je l’ignore. Je n’ai jamais vu plus loin que le bout de mon nez. Je suis une cigale.
- Vous avez dit un jour : « Je n’ai pas d’ambition. » Peut-on réussir dans la vie sans être ambitieux ?
- « Ambition » est un mot que je n’aime pas. Cela veut dire être prêt à tout pour réussir, ne rien respecter. Moi, j’essaie seulement de bien faire mon travail. Je n’ai pas de plan de carrière. Je saisis la chance et l’occasion.
- Il paraît que vous n’êtes pas une femme d’affaires ?
- C’est vrai. Souvent, ma banque me téléphone pour m’annoncer que je vais être à découvert. Pourtant, je n’ai aucun luxe. Je n’achète ni œuvres d’art ni meubles coûteux. Je conduis une Mini. Mon seul luxe est de savoir que je peux inviter mes amis au restaurant quand je veux et leur offrir des cadeaux.
- Que répondez-vous à vos détracteurs ?
- Si la critique est justifiée, je m’incline. Si elle est gratuite, j’essaie de l’oublier. Je n’en fais pas un monde, car il paraît que c’est la rançon du succès.
Interview : Gisèle Galante
Photos : Elsa Trillat
Dans la salle à manger, le rituel du goûter. Dorothée, très pédagogue, rêve de faire partager à Marie et à Juliette son goût pour la musique. Dans la chambre que Dorothée a fait aménager pour Juliette, quand elle vient passer les week-ends. Grande partie de jeu de sept familles.
Dorothée consacre une partie de son temps à ses filleules Marie, 9 ans, et Juliette, 5 ans, les enfants de Jacky.