Jacky : « J’ai quatre fois dix ans ! »
Télé Loisirs – 28 mars 1988
Pas une loufoquerie qui lui fasse peur. Pas un gag qui le rebute. Avec un look inoui, il a pris le cœur des petits qui se reconnaissent dans ce grand frère.
A mi-chemin du clown et de Bibi Fricotin, la bouille ronde des enfants gourmands, les yeux ronds en quête d'émerveillement, le sourire permanent, la mèche folle et rebelle retombant sur le front, Jacky, l'éternel enfant qui refuse de grandir, le facétieux complice de Dorothée, va avoir quarante ans ou plutôt quatre fois dix ans, l'âge de son public. S'il cultive l'art d'être le grand frère des petits téléspectateurs, à la ville Jacky cultive l'art d'être père et défend des valeurs comme le travail, la famille...
« Vieillir, bien sûr que je vieillis ! Comme tout le monde ! Mais quelle importance ? Les années passent sur moi sans atteindre mon esprit ni mon cerveau. A soixante ans, je serai toujours pareil, prêt à faire n'importe quoi, le pitre, le rigolo, à amuser, à distraire, car telle est ma vocation. »
Jacky a pris le chemin du rire comme on entre en religion, avec foi et conviction. Son noviciat, il l'a passé devant les enfants. Fasciné par eux et intimidé par les adultes, Jacky est un doux, un gentil et un tendre. « Les enfants sont vrais, naturels, sincères, redoutables parfois. Ils nous jugent vite et bien. Si l'on ne plaît plus, ils nous jettent comme ils le font avec leurs jouets. Lorsque j'ai devant moi des milliers d'yeux en attente de joie, de rires et de fous rires, je ne pense plus, je fonce, et à ces instants précis, j'ai le même âge qu'eux. » La récompense est toujours là : des grappes d'enfants s'accrochent à son cou, à ses jambes, ils le touchent, le chatouillent, l'agacent, l'énervent, comme s'il n'était pas réel. C'est un vrai personnage de BD sorti tout droit d'un univers qui n'est connu que d'eux. Car il faut bien avouer que les adultes ne le comprennent pas. Jacky ne dérange pas vraiment, même s'il fait un peu attardé », il amuse, étonne, surprend, bref il ne laisse pas indifférent.
Un adolescent en quête d'aventures
Son look savamment étudié s'inspire des années 50-60, vesté très large, très colorée, très épaulée, pantalon flottant, chaussures insensées, vertes, rouges ou jaunes, chemises démentes taillées parfois dans des doubles-rideaux, il a un look à la... à la Jacky, tout simplement. Si seulement, il avait écouté son papa, il n'en serait pas là ! Jamais son père, tailleur, ne l'aurait incité à cette marginalisation vestimentaire. Bien au contraire, jusqu'à l'âge de quinze ans, Jacky était un petit garçon très comme il faut, vêtu de sages costumes taillés de près. Le révélateur de sa vraie nature, c'est aux Beatles qu'il le doit car ces garçons dans le vent véhiculaient des idées séduisantes pour un adolescent en quête d'aventures. C'est à Londres qu'il découvrit les fringues, les filles et le rock. « Après cette période anglaise, je ne m'habillais qu'avec des fripes du marché de Londres, des chaussures de théâtre. Je voulais ne parler qu'anglais. En France, je devenais pour les autres un type curieux, bizarre, mais pas méchant et ça me plaisait. Maintenant, les Français ont grandi et je trouve tout aux
Halles. Bill Tornade (comme la BD) m'habille et c'est chez Free-Lance que les chaussures sont les plus folles. Il y en a même que je ne pouvais pas porter, c'est tout dire »
Ce look insensé a séduit, c'est ce qui a plu à la maison de disques (Phonogram) où Jacky a travaillé à ses débuts dans la vie active après un bac philo et une école de journalisme. Pendant huit ans, il se contenta d'apporter des cigarettes, du whisky et du café. à Serge Gainsbourg. Il permit aussi à certains de se faire un nom : « Au Bonheur des Dames », « Bijou », « Bashung ». Sa carrière d'attaché de presse cessa le jour où la direction de Phonogram l'aperçut déguisé en Tarzan dans « Récré A2 ». C'était en 1981. Jacky le vrai, l'unique, l'insensé, le complice de Dorothée venait de naître. Cette deuxième naissance n'a jamais autant comblé une mère que celle de Jacky. Elle est sa fan numéro un. A soixante-douze ans, Madeleine ne quitte pas son poste de la semaine pour suivre les loufoqueries télévisées de sa « chère tête blonde » Et elle rit, Madeleine ! Le dimanche, dans la famille Jakubowicz,
est sacré car, tout en regardant le « Jacky Show » et « Pas de pitié pour les croissants », Madeleine prépare le traditionnel repas familial avec au menu carpe farcie, et autres plats typiquement juifs polonais. « Maman est une grande cuisinière. C'est d'elle que j'ai hérité le goût de la bonne chère. Je ne déjeune pratiquement jamais... ou de n'importe quoi, bonbons, gâteaux, ce qui me tombe sous la main. Mais le dîner du soir est pour moi un régal soit chez moi, soit au restaurant. J'aime la cuisine inventive, créative, telle que la pratiquent Guy Savoy ou Joël Rebuchon. J'ai même décidé de m'y mettre sérieusement, je vais prendre des cours. »
Une facette papa cadeau-gâteau
Ce n'est pas pour déplaire à Françoise, sa compagne depuis douze ans, rencontrée dans un restaurant à La Baule ! « Françoise, c'est l'équilibre, la justesse de ton, la gentillesse. Je l'amuse et elle me calme. » Cela se ressent nettement dans leur appartement du 17° arrondissement à Paris. Des murs blancs, des plantes vertes, de confortables fauteuils et, dispersée dans toutes les pièces, une amusante collection de cochons. Surprenant, non, de trouver en Jacky un épicurien embourgeoisé Mais il n'a pas fini de nous étonner, ce grand garçon. Son côté speed et branché ne l'empêche pas d'avoir côté cœur une facette papa-cadeau-gâteau pour sa petite Marie (trois ans). « Tous les matins, je l'accompagne à l'école. J'y tiens. Je fais les courses avec elle, je rentre vite le soir pour en profiter, nous sommes tellement complices. »
Marie aussi semble sortie tout droit d'un album. Petite blonde aux grands yeux malicieux, cette vraie chipie fait de grandes infidélités à son papa puisqu'elle voue à « Dodo » (traduisez Dorothée) une passion sans limites. Disques, cassettes et télé sont consacrés à son idole. « Dorothée, c'est ma sœur, tout comme Poiret et Serrault sont mes pères spirituels, Adjani mon amie et Coluche mon porte-bonheur. »
Et moi, dis Jacky, même si je ne suis pas Bécassine, je peux être ta cousine ?
Neige Luccioni
Fiche signalétique
Nom : Jakubowicz
Prénom : Jacky
Né le : 1er mai 1948
De Madeleine, sans profession Et Max, tailleur
Fils unique
Vit en union libre avec Françoise depuis douze ans
Un enfant : Marie, trois ans
Sport: aucun
Hobbies : cinéma, musique, cuisine
Défaut : distrait
Qualité: nonchalant
Gotainer
« Depuis l'âge de huit ans, je n'ai qu'un ami : Richard Gotainer. Avec lui, nous avions monté un numéro de cabaret, style Poiret et Serrault, que nous présentions dans tous les lieux branchés à l'époque. Nous n'avons passé que des auditions, car tout le monde nous a jetés. Certains peuvent s'en mordre les doigts aujourd'hui ! »
Thème astral
Avec Jacky, c'est « les copains d'abord ». Bon vivant, il adore s'amuser, blaguer, et considère que plus on est de fous, plus on rit (Taureau ascendant Sagittaire, avec une forte influence Gémeaux). S'il fuit la solitude comme la peste et redoute les tête-à-tête avec lui-même, c'est aussi parce qu'il y a chez lui un côté très angoissé (Pluton et Saturne reliés au Soleil et à la Lune) qu'il ne veut pas voir affleurer à la surface. Jacky a besoin d'être de plain-pied avec son époque, bien intégré dans la société. S'il se sentait mis à l'écart, marginalisé, il en souffrirait cruellement.
Adjani
« Dans ma vie, j'ai eu beaucoup de chance car j'ai rencontré des gens fabuleux. Au cours de mon émission "Platine 45", j'ai eu la joie d'avoir à mes côtés Isabelle Adjani et là, j'ai découvert une femme formidable et nous sommes restés très amis. Il nous arrive souvent d'aller grignoter, dans l'après-midi, des petits gâteaux. Seule condition exigée que ce soit dans une pâtisserie japonaise ! »
Coluche
« C'est en 1971 que j'ai connu Coluche. Il passait dans un cabaret inconnu, rue du Faubourg Saint-Jacques. Nous sommes devenus copains en quelques instants. J'aimais tellement ce qu'il faisait que j'allais le voir tous les soirs. Lorsqu'il a monté "Ginette Lacaze", j'y suis allé cent soirs. J'ai tous ses disques à la maison, ils sont même dédicacés. »
Il frise et ne se coiffe jamais autrement qu'avec les doigts. C'est par plaisir qu'il se rend chez son ami Rocky, de chez « Rock Hair », aux Halles. « Rocky, c'est un grand fou comme moi. Rien qu'en enfilant mon peignoir, je me sens chez moi. »
Si vous aimez les chaussures bleues, jaunes, rouges ou vertes comme Jacky, une seule adresse: Free Lance.