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Dossier – Ségolène Royal et Dorothée (4 articles)

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Des hauts et débats (24 heures Lausanne – 20 novembre 1989)

Ségolène Royal accuse dans un violent réquisitoire, Le ras-le-bol des bébés zappeurs, télé-massacre : l'overdose (Ed. Laffont). La députée fustige la violence infligée à nos chères petites têtes, mitraille les dessins animés japonais, passe au bazooka les séries américaines et descend en flammes les publicitaires qui aguichent en démolissant l'image de la femme. Ségolène en veut tout particulièrement à la fée Dorothée qui passe un sale quart d'heure. La copine des enfants est accusée de conclure des opérations juteuses grâce à la maison AB Productions qui sous-traite ses émissions, disques, cassettes, etc. TF1 vient de se faire rappeler à l'ordre par la Commission de surveillance de l'audiovisuel. Dorothée va-t-elle être envoyée au coin ?
Cécile Lecoultre

 

Ségolène Royal : ras le bol ! (Télé 7 jours – 2 décembre 1989)
ELLE PUBLIE UN NOUVEAU LIVRE « LE RAS-LE-BOL DES BEBES ZAPPEURS » CHEZ ROBERT
LAFFONT POUR DENONCER LA VIOLENCE DES PROGRAMMES POUR ENFANTS ET ADOLESCENTS SUR TOUTES LES CHAÎNES. NOTRE INTERVIEW.
 

Ségolène Royal pourquoi ce livre et pourquoi ce titre ?
Ce livre est un pamphlet qui ne se veut pas négatif. J'aime la télévision, mais je ne voudrais pas qu'à force de laisser-aller, la télévision elle-même soit prise pour cible. Je dis dans mon livre que les marchands d'images ont tué le rêve et la tendresse, la générosité et le plaisir.


Vous mettez en cause les chaînes privées ou les chaînes publiques ?
Privée ou publique, la télé, pour les enfants, c'est la même chose. Ils passent en moyenne huit cents heures à l'école par an contre 1000 devant la télé. On ne peut pas ne pas en tenir compte.


Vous êtes particulièrement hostile à la violence, comment se manifeste-t-elle ?
Je mets en cause les dessins animés japonais. De temps en temps, pourquoi pas ? Mais pas quatre d'affilée. Je dis aussi que le dimanche, on peut voir, au hasard des chaines, 17 téléfilms américains. Cela fait beaucoup de viols et d'assassinats.


Oui, mais il est impossible d'éliminer toute la violence dans tous les films.

Sans doute, mais on pourrait faire plus d'information. Je propose, par exemple, qu'avant les films et les téléfilms policiers, on diffuse la liste des délits qu'on va voir avec les peines qu'ils font encourir en France. Il existe une enquête du CNRS datant de 1984, montrant que les violeurs, par exemple, imaginent toujours un scénario avant de passer à l'acte. La télé, avec ses scènes de viol, est une excellente pourvoyeuse d'idées ! Aux Etats-Unis, on a fait l'expérience suivante : on a supprimé la violence des programmes pendant plusieurs
semaines. La violence domestique (coups et blessures, abus sexuels, etc.) a diminué dans le même temps de 35 %.


Vous mettez aussi en cause la qualité des programmes.
En ne parlant que d'Audimat, les chaînes prennent une grosse responsabilité. Dire que les enfants sont nombreux à regarder un programme ne signifie pas qu'ils sont heureux. Ce ne sont pourtant pas les émissions de qualité qui manquent, surtout quand on prend la peine de se pencher sur la production européenne. D'autre part, avec 700 000 naissances par an, on voit bien que le public des jeunes enfants se renouvelle rapidement. Pourquoi, si on ne peut pas fabriquer de nouveaux programmes, ne pas rediffuser ceux qui ont fait leur preuve ? « Nounours », le « Théâtre de la jeunesse » de Claude Santelli et bien d'autres. On rediffuse bien « Goldorak ». Il y a aussi des émissions qui passionneraient les jeunes adolescents si elles étaient mieux programmées. « Ushuaia » de Nicolas Hulot, par exemple. Pourquoi ne pas la diffuser plutôt le samedi après-midi ou le dimanche ?

Pour fabriquer les programmes pour enfants dont vous rêvez, ne faudrait-il pas doter les chaînes d'un budget plus important ?
Les chaines peuvent parfaitement prélever ce dont elles ont besoin sur les budgets publicitaires : la publicité fait si souvent appel à l'enfant...


Dans votre livre, vous êtes particulièrement sévère pour les émissions de Dorothée.
Francis Bouygues, le patron de TFI lui-même, avait promis de « faire appel aux auteurs français qui savent raconter de jolies histoires » et il annonçait que son intention n'était pas de faire « une programmation pour enfants au kilomètre de dessins animés japonais ». Ensuite, la violence dans les dessins animés que présente Dorothée se succède de série en série. « Muscleman » fait l'apologie du meurtre, « Namu » montre une machine à transformer les garçons en filles : on voit un enfant mort d'effroi à mesure qu'il lui pousse des seins. Et puis il y a la niaiserie des gags. Les enfants méritent mieux que de voir des animateurs qui reçoivent des chasses d'eau sur la tête ! Cette accumulation de sottises et de violence est une manière de voler leur enfance aux enfants.
Carole SANDREL
 

Ségolène Royal s’en va-t’en guerre contre la télé (Télé A à Z – 25 novembre 1989)


Nouveau livre sur un thème qui, lui, n'est pas tout neuf: celui de Ségolène Royal sur la « violence » et la « médiocrité » des programmes pour enfants, intitulé: « Le ras-le-bol des bébés zappeurs »  Dorothée ? Elle joue la carte de la violence dans ses programmations, et elle ne joue vraiment pas celle de l'intelligence dans son émission. Tout cela par facilité, nous a dit l'auteur, (par ailleurs député P.S. des Deux-Sèvres) et par absence de réelle ambition.

L'interpellée en l'occurrence Dorothée, n'a pas voulu polémiquer Elle s'est contentée de faire savoir qu'elle ne souhaitait pas parler de « ce genre de livre » et donc, par voie de conséquence, lui faire de la pub. En tout cas, Le ras-le-bol des bébés-zappeurs a demandé une année d'enquête à son auteur, une année qui l'a amenée à la conclusion que, décidément, c'était vraiment très dur d'être un jeune téléspectateur en 1989

« Je suis une passionnée de télévision, nous a-t-elle confié, et j'ai été très choquée d'apprendre que 70% des gens se plaignaient du fait qu'on ne tient pas compte de leur goût et que l'on raisonne, à la télé, en termes de moyenne. »
Pour Ségolène Royal, mère de trois enfants (5, 4, et 2 ans), le problème de l'adaptation de l'outil télévision se pose aussi pour les enfants.

Mille heures par an
«Dans les programmes de télé pour les enfants, dit-elle encore, il n'est question que de surhommes pour les garçons et de gourdes ou de prostituées pour les filles. A cela j'ajouterai le déferlement des dessins animés violents, et par voie de conséquence le nombre de plus en plus fréquents de cauchemars chez les plus jeunes. D'ailleurs, il n'y a pas que les programmes pour enfants. (Bien qu'ils passent en moyenne mille heures par an devant la télé contre 800 heures à l'école). Il y a aussi le problème du prime-time dès lors qu'il semble établi qu'un enfant sur deux âgés de dix ans regarde la télé en prime-time (première partie de soirée) »
Et ces programmes-là, il est vrai, ne sont pas toujours d'une douceur exquise ou d'une subtile délicatesse. Mais qu'y peut-on ? Les parents ont peut-être aussi leur mot à dire. Accuser la télé bouc-émissaire est peut-être un peu trop facile.
« Je ne dis pas que la télé ne doit jamais programmer des dessins animés empreints de violence, ou des films durs. Je dis simplement qu'elle ne doit pas le faire à tout bout de champ précise Ségolène Royal. Je ne prône pas l'interdiction, mais l'instauration d'un code, d'une déontologie. D'ailleurs, il n'y a vraiment rien d'humiliant à revendiquer la défense de valeurs morales. »


Informer, informer, informer
Propositions ? « Il faut informer, informer encore, dit Ségolène Royal. Je voudrais que les chaînes se responsabilisent davantage, en prévenant vraiment le téléspectateur de ce qu'elles proposent. »
A bon entendeur.
P.M.

 

Télé-Massacre (Télé Pro – 12 décembre 1989)


Lundi à l’« Ecran témoin » de la RTBF, il sera question une nouvelle fois de la violence à la télévision. Parmi les invités de Françoise Van de Moortel, il y aura Ségolène Royal, qui brandit contre la télé des marchands sans scrupules l'étendard de la révolte.
« Vous avez massacré Gros Nounours, égorgé la Belle au bois dormant, zigouille Zebulon et Ivanohé fait figure de héros écolo, tandis que le Chicago des « Incorruptibles » (la série la plus violente il y a dix ans) s'apparente à une paisible ville de province. Plus sérieusement, je vous accuse de tuer tous les jours le rêve et la tendresse, la générosité, la gratuité et le plaisir. »
Elle y va fort, Ségolène Royal, quand elle entreprend de fustiger les marchands d'images dans un petit livre combatif, publié chez Robert Laffont et intitulé « le Ras-le-bol des bébés zappeurs ».
Députée française, énarque, diplômée de Sciences-Po, Ségolène Royal apparaît bien solitaire dans la campagne qu'elle a entreprise contre les excès du paysage audiovisuel. Comme elle le reconnaît elle-même, la classe politique a accueilli son combat avec une indifférence polie. Il est vrai, écrit-elle, que ceux qui sont censés régenter l'audiovisuel ne sont pas des téléspectateurs très assidus. Ils ont d'autres chats à fouetter ! Quant aux intellectuels, ils considèrent généralement la télé comme un sous-produit culturel auquel ils ne s'intéressent que modérément, sauf quand il s'agit de s'y montrer ! Alors, ce sont les marchands d'images qui règnent en maîtres dans un espace déserté par les décideurs et les penseurs. Des marchands qui, par définition, n'ont d'autre préoccupation que la rentabilité économique et d'autre référence que les taux d'audience.
Or, dans cette course effrénée à l'audimat qu'a provoquée la dérégulation du paysage audiovisuel, il apparaît que la violence et le sexe sont, comme on dit, particulièrement porteurs. En France, la Cinq a démontré que le cinéma érotique proposé à 20.30 était une bénédiction. Il a fallu une intervention du Conseil Supérieur de l'Audiovisuel pour ramener à la raison la chaîne du duo infernal Hersant-Berlusconi. Encore ce Conseil est-il allé un peu loin en interdisant aux heures de grande écoute tous les films interdits aux moins de treize ans. Une mesure excessive et qui plus est injuste, puisqu'elle épargne les téléfilms, souvent plus violents et plus « épicés » que les œuvres cinématographiques.
Voilà qui montre bien qu'en cette matière, il n'est pas facile de fixer des règles raisonnables. Entre le laxisme des partisans d'une liberté totale et le rigorisme des ligues de vertu, il faut trouver un juste milieu, et ce n'est pas aisé. Ségolène Royal en est consciente quand elle note que la lutte de ceux qui réclament une télévision de qualité a souvent été discréditée par ces militants encombrants que sont les défenseurs intégristes de l'ordre moral. Il en faut plus, cependant, pour qu'elle se résigne à baisser les bras, particulièrement en ce qui concerne la défense de ces téléspectateurs si fragiles que sont les enfants.
Des enfants que la télévision récompense bien mal de leur assiduité – un enfant européen passe autant de temps devant la télévision qu'à l'école ! - en leur servant des sous-produits japonais d'une extrême violence et d'une affligeante médiocrité. Dorothée est évidemment une des cibles privilégiées de Ségolène Royal, mais au-delà de cette star controversée, elle s'attaque avec vigueur à tous ces marchands d'images qui n'ont pour leurs clients téléspectateurs ni considération ni respect. Le tout est de savoir s'il est encore possible de chasser les marchands du temple et qui doit s'en charger. Le débat de « l'Ecran témoin » nous apportera peut-être sur cette question quelques éléments de réponse.
Jacques BODEUX

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