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Dorothée privée de « quatre heures »
Le monde – 20 janvier 1997

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L'animatrice à la voix de crécelle se fait rare. TF 1, confrontée à a baisse d'audience de ses émissions de l'après-midi, diffuse désormais des séries américaines


C'EST un cadeau au goût amer que TF1 a réservé à Dorothée pour Noël. Quelques jours avant le 25 décembre, la chaîne publiait un communiqué annonçant la déprogrammation des émissions que l'animatrice devait présenter tous les après-midis pendant la période des fêtes. Seuls les rendez-vous du matin étaient maintenus. A la place du « Club Dorothée » de 16 h 50, les téléspectateurs se sont vu offrir deux séries américaines. Parallèlement, l'émission « Des Millions de copains », programmée le dimanche à 18 heures, disparaissait sans explication. Les fêtes passées, le régime a été maintenu, ne laissant plus à Dorothée que deux rendez- vous dans la grille, le mercredi à 9 h 30 et le samedi à 7h 10.
Dorothée battue par des téléfilms américains : la nouvelle ne manquera pas de surprendre même ceux qui bataillent contre la blonde quadragénaire et ses programmes débilitants. L'état-major de TF 1 « ne souhaite pas communiquer sur ce sujet ». Le service de presse de la chaîne se contente de préciser que la mise à l'écart de Dorothée est « un phénomène saisonnier » correspondant à un recul d'investissement de la publicité après la période faste des fêtes. Même repli du côté d'AB Production, les producteurs du « Club Dorothée » évaluant en silence le montant de leur manque à gagner.
Pourtant, l'année dernière, à la même époque, Dorothée et sa bande n'avaient pas eu à subir une diète forcée. Si l'on se réfère à la semaine du 15 au 22 janvier 1996, l'animatrice avait sept rendez-vous hebdomadaires avec les enfants. Il faut se rendre à l'évidence : si TF 1 déprogramme Dorothée, c'est que l'animatrice, hier encore chouchou des enfants, ne fait plus autant recette. L'audience de ses émissions s'érode. A titre d'exemple, selon Médiamétrie, le 19 novembre 1996, « Le Club Dorothée » rassemblait 17 % des enfants de 4 à 10 ans, tandis que, sur France 3, à la même heure, « Les Minikeums » faisaient un tabac avec 67 %.
L'époque où Dorothée régnait en impératrice sur les programmes jeunesse est bel et bien révolue. L'ex-mademoiselle météo d'Antenne 2, remarquée pour son regard mutin par Jacqueline Joubert qui la propulse en 1978 au rang d'animatrice à Récré A2, a pris de l'âge. Depuis dix ans qu'elle officie sur TF 1, ses programmes n'ont guère évolué. Toujours entourée de Jacky et des inénarrables Musclés, Dorothée continue à creuser le même filon, jusqu'ici aurifère. Dessins animés japonais achetés à bas prix, sitcoms bas de gamme - du genre << Hélène et les garçons >> -, tournés au kilomètre dans les studios d'AB et jeux avec les animateurs pour lier la sauce... Pendant ce temps-là, la concurrence s'est musclée, elle aussi.
France 3 a investi beaucoup d'argent dans la production de dessins animés français de qualité et a réussi à séduire un public croissant d'enfants tout en gagnant un fort capital de confiance du côté des parents. Au phrasé bêtifiant de la bande de Dorothée, les gamins préfèrent aujourd'hui l'humour des Minikeums, ces petits frères des Guignols qui, depuis 1993, orchestrent les programmes jeunesse de France 3. M 6 occupe aussi de plus en plus le terrain, avec un renforcement de ses programmes jeunesse depuis la rentrée. A TF 1 également les couteaux s’aiguisent : une équipe indépendante d'AB propose « Salut les Toons », un programme d'animation destinés aux petits. A l'heure de la guerre numérique, la directrice de l'unité jeunesse de TF 1 qui est aussi la « créature » d'AB, dont le bouquet est en concurrence avec celui de TF 1, est dans une situation pour le moins inconfortable.


Sylvie Kerviel

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