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Dorothée, la vedette

Humanité dimanche – 25 juin 1992

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C'est au choix. Au gré de l’heure ou du temps, de l’humeur des parents : « Encore la Dorothée », avec un soupir,  ou bien: « Oh il est tranquille, il regarde sa Dorothée », l'air de dire: « Pendant ce temps, au moins… »
Avec son équipe de choc (Jacky, Corbier, Ariane), étoffée maintenant par les Muscles (ces musiciens qui semblent ne jamais se prendre au sérieux), l'ancienne présentatrice de TF1 au sourire espiègle et au regard mutin, est devenue une star, voire un mythe, parfois honni.
Il est vrai qu'on la voit beaucoup. Le Club Dorothée occupe l’antenne pendant un peu plus de 22 heures par semaine sur TF1. Grande sœur ou baby-sitter du mercredi, elle propose tout à la fois chansons (les siennes), dessins animés (japonais parce que moins chers et achetés par stocks de quarante), participation aux activités du Club Dorothée (avec une carte numérotée, les enfants sont invités à écrire, dessiner, s'exprimer par Minitel).
Elle propose encore son tour de chant à Bercy, où elle remplit la salle, plus les pin's, les T-shirts, les casquettes lumineuses, les albums, les cassettes...
Les enfants l'aiment. Souvent. Pas toujours. Ils en préfèrent d'autres aussi. Parmi leurs émissions préférées, le « Club Dorothée » n'arrive, après tout, qu'en sixième position. Derrière la série « Mac Gyver », dont le héros, débrouillard, se sort des situations les plus délicates grâce à son esprit inventif et son talent de bricoleur. Elle arrive encore derrière Cousteau, le jeu « Une famille en or », la série « Madame est servie ». Certes, sauf qu'au creux de la matinée ou au retour de l'école, le club recueille, grosso modo, la moitié de l'audience enfantine, quand les enfants sont seuls, ou presque, devant la télé.
On lui pardonne d'autant moins ses écarts, sanctionnés à diverses reprises par le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), et désormais connus: une scène extrêmement violente dans « Dragon Ball », une autre dans « Super Boy », où un compositeur créait sa musique en enregistrant les cris de ses victimes torturées... C'est fini, tout cela, parait-il. TFI tient à son image de chaine familiale, rassurante pour tous publics, ce qui lui assure son audience large.
Les dessins animés japonais de Dorothée sont maintenant visionnés avant leur passage. Exit les scènes trop violentes. Reste la pauvreté de l'image. L'extrême schématisation de l'action et des situations. Le CSA s'en émeut- contentant, bien timidement, mais un peu, de limiter la place des dessins animés japonais sur les chaines ? Dorothée riposte aussi sec. Elle appelle les enfants, dans sa propre émission à intervenir auprès du CSA qu'elle appelle as passage un - lapsus, vraiment ? – le conseil de surveillance de l'audiovisuel. Cette fois, ça n'a pas marché. Les enfants n'ont pas écrit. A d'autres moments, ça fonctionne à plein. Dans son spectacle à Bercy, à la fin de son tour de chant, près d'un millier d'enfants lui apportent des roses, des bouquets parfois magnifiques, des petits billets, où ils lui confient leurs secrets, leur amour. « Je vous aime, je vous aime très fort », répète-t-elle, dès le début du spectacle. Et pour s'assurer qu'ils l'aiment, eux aussi, elle les fait d'abord applaudir. Les garçons, puis les filles. Pour voir qui applaudit le plus fort, des filles ou des garçons...
Ce n'est pas très novateur an plan des valeurs. Ça marche. Quand même. Ça marche malgré les dérapages. Malgré l'humour, parfois douteux de certains sketches comme celui-ci, le 25 septembre dernier où les complices de Dorothée pastichaient les héros de Robin des Bois. Parmi eux, Rabbin des Bois attachait ses flèches avec un élastique pour les récupérer. Et aussitôt d'être surnomme, par son compère : Radin des bois. C'était un clin d’oeil, a dit Dorothée, après. Les enfants étaient morts de rire. Un détail ? Dorothée, fée ou sorcière ? Adorée ou brulée ? La réalité est peut-être plus simple. L'émission marche, parce qu'elle est vivante. Parce que Dorothée donne aux enfants le sentiment qu'ils y participent en choisissant leurs émissions préférées, ce qui est faux d'ailleurs puisque le seul critère guidant les producteurs est l'indice d'écoute, mesuré toutes les deux minutes et décortiqué jour après jour. L'émission marche, parce que Dorothée est là quand n'y a rien d'autre à faire, et qu'appliquant les méthodes du star system aux enfants, il n'y a aucune maison pour qu'ils s'y laissent moins prendre que leurs ainés.

 

Maurice Ulstch

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