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AB construit 6000 mètres carré de studios pour les émissions de Dorothée
Les lettres de l’audiovisuel – 6 Juillet 1987

1988 - AB construit 6000 mètres carré de studios pour les émissions de Dorothée.png

Alors que la CNCL «s'inquiète» de l'insuffisance des moyens mis en œuvre par TF1 pour les programmes jeunesse, notamment dans le domaine d'émissions scénarisées et de dessins animés, AB Production (concessionnaire de cette tranche de programme) annonce la construction sur 6000 m², d'un complexe de studios et d'équipements, destinés à la production des émissions de Dorothée.
Cette décision avait été prise avant les états d'âme exprimés à la Commission. Elle a été provoquée par la dimension que prennent justement, les programmes pour la jeunesse. La CNCL a donc, dans ce domaine comme dans d'autres un métro de retard... A moins que les protestations qu'elle émet cachent d'autres raisons que celles énoncées... La situation est pourtant claire : D'une part TF1 a chargé Dorothée de diriger à titre personnel les émissions jeunesse de la chaîne, son salaire s'élevant à 40.000 F par mois.
D'autre part, la fourniture des émissions est commandée, clefs en mains et sous son contrôle à la Société AB Production, dirigée par Claude Berda et Jean-Luc Azoulay.
AB est depuis dix ans, le producteur des disques et des galas de Dorothée. Celle-ci n'y est pas associée.
Son statut auprès de AB est celui d'un artiste vis-à-vis de son producteur. Cette opération a pris une autre dimension quand, des 600 heures/an de programmes que devait livrer AB à TF1, on est passé successivement à 800, 1000, enfin 1.200 heures. Tout simplement parce que la concurrence entre les chaînes s'est durcie sur le créneau jeunesse, et que le rapport audience-prix des produits fournis par l'attelage AB/Dorothée, est le meilleur que TF1 puisse espérer. Ce contrat prévoit un prix moyen de 120.000 l'heure. Or Dorothée atteint les scores les plus performants dans le genre et dans les tranches qui lui sont imparties. Le dimanche matin, elle démarre à 2,5 % à 8 h pour atteindre 9,7 % à 10 h 30. Le vendredi après-midi, l'écoute évolue entre 6,2 % et 7,6 %. Le samedi matin, les pointes montent à 5,7 %. Ses parts de marché sont rarement inférieures à 40% et atteignent jusqu'à 71 %.
Peut-on s'étonner, dès lors, que TF1 privilègie ce type d'émission et augmente leur volume ? Nous sommes en pleine logique commerciale.
Evidemment - et c'est là sans doute que surgissent les réactions et surtout les jalousies, -c'est AB Production qui est bénéficiaire du phénomène. 1200 heures de production, même à 120.000 F l'heure, constituent un «<package» qui fait de Berda et Azoulay, en chiffre d'affaires les premiers producteurs TV de France. D'autant qu'ils contrôlent les produits dérivés des émissions, non seulement issus des prestations de Dorothée, mais aussi des dessins animés dont ils ont acquis les droits et qu'ils exploitent sous forme de disques des bandes musicales, de cassettes, magazines, livres et jeux. C'est donc une mécanique quasi- industrielle qui a été installée par Berda et Azoulay, a laquelle Gill Paquet apporte le concours d'une politique de communication affinée et personnalisée.
A cette organisation, il fallait une usine de fabrication. La première année, AB a passé un contrat de prestation avec Pipa Vidéo, aux Studios de France. Cet accord prend fin à son échéance d'un an. Et à la rentrée, sera opérationnel ce nouveau studio dans lequel AB investit 13 millions de F., le créant de toutes pièces avenue du Président Wilson à La Plaine St Denis (un peu plus loin que les Studios de France). Les 6000 m² seront occupés par deux plateaux, l'un de 1000, l'autre de 500 m², des auditoriums, des salles de montages, des bureaux. Opération qui n'a pas seulement pour objectif d'abriter les émissions enregistrées par Dorothée, mais aussi de constituer la structure d'accueil à la diversification que Berda et Azoulay amorcent en production TV. Le contrat avec TF1 ne comporte aucune clause d'exclusivité. AB peut donc travailler pour les autres chaînes, aborder les marchés étrangers. On s'y emploie avec des projets de séries en dessin animé ou de sitcoms en restant dans la spécialisation jeunesse et l'étendant peu à peu aux produits à destination plus largement familiale.
Le contrat avec TF1 porte sur trois ans; c'est à son échéance qu'AB devra être une société de production suffisamment structurée et diversifiée pour soutenir le choc d'un éventuel non renouvellement. Le cas de figure que représente AB sur le marché français en laisse plus d'un rêveur, et suscite évidemment l'envie, l'accusation rapide d'être en situation de monopole. Peut-être. Mais plus édifiante est l'analyse de cette tentative réussie d'avoir constitué, à partir d'une vedette dont on a contrôlé l'ascension, un appareil de production compétitif, aux émissions efficaces, géré dans l'actuel comme conçu pour le futur comme une véritable entreprise.


Pierre BRUNEAU

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